Les “profanations” d’Anette Messager
La formule en forme de dédicace “A mon seul désir” provient d’un titre des tapisseries de la Dame à la Licorne du Musée de Cluny. Il est considéré comme une formule plutôt énigmatique associée à l’invisibilité du féminin, du moins à son discours. Annette Messager le « renverse » car sous ce titre d’ensemble s’inscrivent des termes plus explicites et qui parlent crûment : “Fuck Your Morals. Mes désirs, ma force. Mon utérus à mon désir. Mes seins mon arme. Le mariage pour tous. Crise de foi. No God in my vagina. Je suis mon propre prophète. In Gay we Trust”.…
Moins conservatrice que jamais, l’artiste propose entre autres un hommage aux Femen (dont les slogans sont présents dans les titres ci-dessus). Elles deviennent les déclencheuses et le “pillow-book” de l’exposition et du livre qui en découle. L’artiste poursuit son travail de sape salutaire comme le prouve sa frise de seins (Mer de seins). Il s’agit de l’entrée en matière à de tétons (titties), d’utérus en salves de dessins, produits à l’”acrylique version lavis” et disposées sur les murs uniquement piqués sans cadre auprès des petites sculptures et de fines lamelles rouges et noires — découpages, ou restes de certaines de ses Reliques de 1984.
Celle qu’on (mais “on est un con”) traita de folle, de sorcière, de guerrière, de putain, de garce est désormais beaucoup moins agressée. Elle vient de se voir « nobélisée » en recevant le Premium Imperial . Son combat féministe est moins que jamais d’arrière –garde. Non seulement les préjugés ont la peau dure mais ils font retour. D’où la nécessité de femmes de combat comme Annette Messager ou comme Déborah De Robertis. D’autant que ce qu’osent les femmes artistes semble plus dérangeant que les propos des femmes écrivaines. Sans doute parce que les images hantent plus l’imaginaire collectif que la littérature.
Face aux novlangues mondialisées où l’éros n’est présent que frelaté et devalué, les femmes artistes doivent peser et semer la pagaille. Peu à peu, ces lutteuses apparaissent à leur juste place depuis une cinquantaine d’année dans l’histoire de l’art. Annette Messager n’y est pas pour rien surtout en France ou plus qu’aux Etats-Unis on s’interroge encore sur le sexe d’un artiste avant de l’exposer.
jean-paul gavard-perret
Annette Messager, A mon seul désir, Librairie galerie Marian Goodman, Paris, 12 décembre 2016 — 14 janvier 2017.
Juste et belle critique de JPGP ! Si Annette Messager réifie ( Natacha Wolinski ) la femme c’est pour mieux la célébrer . De quoi faire pâlir le Marquis de Sade si bien cerné par Marie-Paule Farina .