Philippe Jaworski, un an après avoir dirigé l’édition des œuvres de Mark Twain dans la Pléiade, présente dans la même collection l’édition des œuvres de Jack London. Cent ans après la mort de l’auteur américain, ces deux volumes rassemblent la presque totalité de ses textes. Ils se confondent avec l’existence du baroudeur ancêtre de la beat generation au moment où l’ère industrielle prenait son envol.
Se retrouvent ici les grandes fictions de l’auteur où il invente son « mentir vrai » dans lequel l’imaginaire transcende l’existence jusqu’à la réinventer en un souffle épique et critique. Les grands récits et romans (Croc-Blanc , L’appel de la forêt ), les nouvelles, sont complétés par les écrits journalistiques (Le Peuple de l’Abîme) et autobiographiques (John Barleycorn) à travers de nouvelles traductions plus dégraissées que les précédentes. Elles restituent plus de spontanéité aux textes accompagnés ici d’illustrations des éditions originales.
Dans ces versions s’éprouvent la solitude, l’angoisse comme la force des héros, par creusement et torsion. London écrit toujours sans brouillard dans sa tête, sans gravier dans sa prose. Il a ouvert des perspectives d’avenir à la littérature par un style qui possède une forme d’éternité en un corpus nerveux, rapide sans goualantes ni volupté. L’auteur joue entre ordre et désordre, relique et image impensée : on se laisse emporter en une sensation de vertige pour la pure émergence. S’y invente un corrigé du temps plus ou moins revenant.
jean-paul gavard-perret
Jack London, Romans, récits et nouvelles I, II, octobre 2016, Gallimard, La Pléiade, Paris, 2016, 1536 p. et 1616 p. — 55,00 € le volume.