Véronique Bergen, Janis Joplin

Janis Joplin : la blanche et le noir

Ombre à vif et  écor­chée du Flo­wer Power, entre désar­roi et volonté, Janis Joplin a atteint avec son inter­pré­ta­tion du stan­dard « Sum­mer­time » le som­met de son écor­chure. Pour Véro­nique Ber­gen, tout est parti de cette chan­son. Plus tard, les souf­frances opia­cées ont eu rai­son du « Peace and love » de l’époque en effer­ves­cence. La chan­teuse fut por­tée vers les exclus comme vers l’explosion de liberté qui la consuma. Après les bio­gra­phies dégin­gan­dées d’autres créa­teurs et créa­trices, l’écrivaine belge Véro­nique Ber­gen conti­nue à par­ler l’interdit, l’empêchement, la contre-culture, le psy­ché­dé­lisme en dehors de toute nos­tal­gie du rêve hip­pie et des 60’.
Refu­sant la chro­no­lo­gie, l’auteure dis­tri­bue des vignettes majeures pour mette en ten­sion et à nue la Texane. Elle explore par les res­sources de sa propre langue et nar­ra­tion cas­sée  l’extension de la voix d’abîme où se déploient la rage et l’éros, les orgies de diverses ordres. Chez celle qui fut nomi­née « l’homme le plus hideux de l’année » sur un cam­pus, le chaos devint de plus en plus proche. Et la voix de la cha­man blanche bas­cula du métal à l’altération de plus en plus caver­neuse, pré­gnante et tou­jours imbibé de blues.

Le dérè­gle­ment, l’aspérité res­tèrent la règle dans un art fusion­nel cor­po­rel, abys­sal, orga­nique où la mort rôde. Cela se per­çut lors de son concert au fes­ti­val de Wood­stock et au moment où la musique ne pou­vait plus la ras­sa­sier. Whisky, héroïne, sexe, manque de père et de mère firent qu’elle se retrouva bien loin des Cum­mings, des  Fer­lin­ghetti et de tous ses aînés qui espé­raient la force d’un verbe explo­ra­toire. Joplin n’y croit plus. Pour elle, l’utopie des Beat­nik a fait long feu et ne reste même plus le désir de durer. Mais le New-Age n’aura pas eu rai­son de l’artiste, elle ira jusqu’à sa propre impos­si­bi­lité.
Après Edie Sed­wick et Mary­lin, Véro­nique Ber­gen pour­suit donc la quête des fêlures que rien ne peut com­bler. Elle rap­pelle com­bien Joplin  reste proche d’Hendrix qui trouva la mort à quinze jours de dis­tance de la sienne. Néan­moins, elle demeure proche sur­tout des femmes qui s’écroulèrent, tout compte fait, pour quelque chose de simple : le manque d’amour. Mais pouvaient-elles sup­por­ter d’être aimées ?

jean-paul gavard-perret

Véro­nique Ber­gen, Janis Joplin, Al Dante, 2016 — 15,00 €.

 

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