Dans cet album, Enrico Marini appuie son récit sur la fameuse bataille dite de Teutoburg où trois légions effectivement disparurent. Ce fut la plus grande défaite de l’armée romaine sous le principat d’Auguste. Cette bataille a sans doute fait évoluer l’Histoire en mettant un frein à la volonté hégémonique de Rome vers le Nord. De nombreux écrivains font état et relatent cette bataille, mais comme ils n’étaient pas sur place, ils laissent une large approximation dans leurs récits. De plus, ces chroniqueurs romains n’allaient pas s’attarder sur une cuisante défaite, une déculottée où l’armée romaine avait perdu trois aigles, l’emblème des légions.
Enrico Marini a donc toute latitude pour développer son intrigue, pour imaginer les différentes phases de cet événement. Il situe cependant sa série sur des faits historiques, reprend des personnages authentiques tels que le général Varus vainqueur en Syrie, Ermanamer (Arminius) dont la mémoire est encore honorée aujourd’hui. Outre les nazis qui en firent un champion, un véritable Allemand, en 2009, Angela Merkel préside des cérémonies fêtant les deux mille ans de la bataille de Teutoburg et donc de la victoire du rebelle.
Marcus Falco est le fils d’un patricien romain. Arminius est l’un des enfants d’un prince Chérusque défait par les armées romaines et élevé, dès l’enfance, avec Marcus. Ils sont rivaux tout en nouant une belle amitié. Mais leurs routes se séparent. Arminius a repris son véritable nom, Ermanamer, fédère un certain nombre de tribus germaines et organise la rébellion contre sa patrie d’adoption. Ils sont tous deux en Germania.
L’action de ce présent volume se situe en l’an 9 après J.-C. L’armée romaine, composée de trois légions, a quitté son camp pour s’enfoncer dans les territoires où gronde la révolte avec la ferme intention de mater celle-ci. Arminius les accompagne pour mieux les trahir. Priscilla, l’épouse de Lepidus, la maîtresse de Marcus, a payé le garde pour s’approcher de son amant enfermé dans une cage roulante pour rébellion. Celui-ci a chargé Cabar, un esclave, de veiller sur elle et sur Titus, son fils. Il lui demande de faire venir son époux pour tenter de le convaincre du danger que représente cette expédition et de la traîtrise d’Arminius. Mais sûr de sa supériorité, leur armée n’est-elle pas la meilleure du monde ?, personne ne veut admettre la réalité du danger. La bataille commence quand les légions, qui ont pénétré dans les forêts profondes, ne peuvent plus combattre selon leurs méthodes.
Que vont devenir les principaux protagonistes ? Lepidus qui a compris que Titus n’est pas son fils et qui veut tuer toute sa famille et l’amant de sa femme ? Le général Varus confiant dans la force de son armée et de son passé, n’a-t-il pas soumis la Syrie ? Arminius qui joue gros avec ses hordes de guerriers aux chefs versatiles ?
Le scénariste déroule son récit avec une maestria peu commune et le met en images avec son savoir-faire remarquable. Il livre des planches superbes, n’hésite pas à faire de pleines pages avec plusieurs dizaines de combattants. Il reconnaît avec humour, dans une interview, que si un scénariste lui avait demandé de dessiner autant de guerriers, il aurait refusé tout net.
Avec ce nouvel opus vraiment superbe pour son graphisme, pour sa densité narrative, Enrico Marini impose Les Aigles de Rome comme l’une des meilleures séries historiques.
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serge perraud
Enrico Marini (scénario, dessin et couleurs), Les Aigles de Rome Livre V, Dargaud, novembre 2016, 64 p. – 13,99 €.