Anju Dodiya poursuit son œuvre de rébellion et d’exorcisme. La violence des thématiques est compensée par subtilité de leur traitement. Pionnière d’une nouvelle génération postmoderne, après avoir renoncé au photo-réalisme, elle a trouvé une technique mixte. Après un travail martial en hommage à Gandhi, l’artiste propose de nouveaux montages hybrides. L’artiste indienne scénarise les défis que doit relever l’art en se mettant elle-même en image pour endosser divers rôles : la voilà exploratrice et héroïne aux sources de diverses cultures.
Miniatures et aquarelles (sur reproductions de la Bible) sont remplies d’éléments inattendus : il faut prendre le temps de les apprécier en passant de la vue d’ensemble aux détails. Le jeu du dehors et du dedans, du fantastique et du réel, des batailles et des visions intérieures, d’Eros (surtout mais de manière plus aporique que scandaleuse) et de Thanatos créent un monde particulier. L’Inde y est sans doute présente mais Bollywood est bien loin.
Les influences – perceptibles ou non – sont reprises, retravaillées en s’extrayant du fantasme au profit de la présence d’éclats sombres et vibrants. Nous sommes dans le vide et le plein, là où tout est dans le vertige puisque le sol semble manquer sous les pieds. Quelque chose d’impalpable communique. Anju Dodiya construit des portes et les ouvre en restant une indépendante à la conquête du territoire de l’imaginaire contre la puissance de l’histoire.
Libre avant tout, elle donne forme à ses douces frénésies en des traversées où tout craque jusqu’aux nomenclatures aux classifications et aux notions même d’orient et d’occident sans pour autant donner à son œuvre un côté « world-painting ». Elle reste autant un périple que l’épreuve initiatique vers la recherche des bases vivantes de cultures souvent homicides mais qui, grâce à l’art, pourraient (mais le conditionnel est important) rétablir la liberté et donc briser les barreaux de l’asservissement à l’image des peintures de l’artiste indienne lorsqu’elle recouvre le texte premier de lois religieusee.
jean-paul gavard-perret
Anju Dodiya, How to be brave (in pictures), Galerie Templon, Paris, jusqu’àu 23 décembre 2016.