De la misère sexuelle en milieu nippon
Toujours avide de pré-visible, le mâle nippon (mais il n’est pas le seul) est jeté à distance de sa libido par effet d’un approchement fantasmé au moyen d’un produit de consommation a fort succès : la love-doll. Devenant l’incongruité programmée pour palier le manque, elle ne fait que souligner la misère sexuelle de ceux qui trouvent là un “médicament”.
L’anthropologue et chercheuse, créatrice du blog Les 400 culs, Agnès Viard analyse cette forme d’obsolescence du désir et de l’érotisme dans la Japon d’aujourd’hui. Bien loin des « Poppy Dolls » ironiques d’une Pepe Smit, ces produits de luxe permettent au voyeur de vivre aux dépens de son achat.
Existe à son corps défendant l’évidement de l’évidence même si le consommateur ne s’en rend pas compte. La fétiche grandeur nature offre l’érotisme de pacotille pour la carburation du fantasme selon une économie libidinale frelatée.
Un tel palliatif pose donc les problèmes fondamentaux de la vision et de l’appréhension de l’objet du désir en excluant la notion de sujet. La love doll permet sans doute de préserver les conventions collectives des pactes sociaux par le secours de l’ersatz. Mais la femme en cette image n’est pas plus la fleur du secret que la réalité du partage. Elle permet une forme de jouissance détournée en offrant à son propriétaire la possibilité de demeurer en sa tour « d’y voir ».
jean-paul gavard-perret
Agnès Giard, Un désir d’humain, les love doll au Japon, Éditions Les Belles Lettres, Prix Sade 2016.