Astrid Chaffringeon & Claire Morel, Home (Etat des Lieux)

Homme sweeet homme

Claire Morel et Astrid Chaf­frin­geon sont deux sacrées “gamines”. Plu­tôt que d’attraper le fan­tasme par la queue (ce qui ne rai­dit rien qui vaille), elles trans­forment le réel dans l’esprit renou­velé du sur­réa­lisme belge. L’homme y est sou­vent pré­sent mais en inci­pit et de pas­sage. Et il arrive même qu’un gar­çon soit “comme Stock­holm en mai : une grande décep­tion”. Mais si la viande fut déce­vante, le nerf des mots et le bas­si­net à des­sin des créa­trices ignorent tout carême. D’où l’architecture étrange d’une mai­son verte où il n’est pas besoin d’escaliers pour s’envoyer au ciel.
Cer­tains pensent que c’est trop petit, d’autres que c’est trop grand. Mais qu’en savent-ils au juste : « De la cave au gre­nier, quelle est ta pièce pré­fé­rée ? La salle de bain, porte fer­mée et bain chaud. » Mais ils n’y auront pas accès. Car c’est là l’entre-deux tiède où « La tem­pé­ra­ture idéale pour faire vibrer la mine ». Et les deux créa­trices ne l’ont jamais mauvaise.

Leur livre est au poil car volon­tai­re­ment tiré par les che­veux. Textes et images par capil­la­rité créent un délice d’architecture men­tale où la fonc­tion crée la folie d’usage. Des combles au sous-sol, de tant d’en bas tassé et de hauts dégra­fés, le des­sin et l’image font des seuils des fonds et des fenêtres un nuage. Les nœuds du bois dans leur mou­choir, les créa­trices n’ont plus besoin de démé­na­geurs body­buil­dés : elles font tour­ner les tables en cercles pas for­cé­ment viciés.
Dans un beau ren­ver­se­ment des rôles, la main de Claire parle méta­phy­sique des fluides et celle d’Astrid figure l’ineffable. Pour para­phra­ser l’écrivaine (qui ne l’est pas), l’imaginaire s’offre tous les com­bus­tibles : gaz ou induc­tion qu’importe, il déborde sans pour autant que les par­quets en souffrent ou que les murs se lézardent.

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jean-paul gavard-perret

Astrid Chaf­frin­geon & Claire Morel,

- Home (Etat des Lieux),
- Chutes étoi­lées et autres bro­de­ries dra­ma­tiques(livret), Chantier(s) Art House, 2016.
Livret et  Expo­si­tion du 2 au 17 décembre, 2016, Ixelles