François Laxalt jongle avec l’espace et les cadrages pour sortir des gravitations. Qu’importe le visage. Au miroir de l’identité, à la psychologisation il préfère d’autres traversées. Ce qui se montre n’est plus imago, persona mais des présences sourdes, sensuelles. Il existe des bords mais pas vraiment de cœur. Cela peut se nommer la tendresse du vide, du plein, de la lumière. Elle rend le corps plus errant que cerné, plus ouvert que fermé.
L’abstraction cinétique en sa textualité crée une partition nouvelle du corps. Par delà l’imagination et l’entendement, le photographe offre un concevable physique et métaphysique. Il écarte les lois duales de la représentation.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
J’aimerais dire l’envie de faire de la photo. La vérité c’est un bon café.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils sont derrière moi. Je vis pour mes rêves d’adulte.
A quoi avez-vous renoncé ?
Au confort intellectuel d’une vie sans l’art.
D’où venez-vous ?
De loin. Et ce n’est que le début.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Une éducation et la culture du travail. Et surtout le respect de l’autre.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Un café sur une terrasse parisienne. Un baiser amoureux. Surfer une vague qui déferle très lentement. Boire un bon vin avec les amis. Prendre la bonne photo.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes et écrivains ?
Ma personnalité. Les forces presque inconscientes qui forgent mes choix artistiques.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
La première image dont je me souvienne est terrifiante : je dois avoir moins de deux ans et quelqu’un me met un grand masque sur le visage pour m’anesthésier. Pour moi, on essaye de me tuer.
Ma première image artistique : c’est la première fois où j’ai vu un mobile de Calder
Et votre première lecture ?
J’ai lu vingt fois mon manuel de CP avec l’histoire de « Tipiti le rouge-gorge ».
Quelles musiques écoutez-vous ?
Du rock. Du jazz. Beaucoup de House Music. Mais pour moi les images sont aussi de la musique. Quand je regarde une photo, une bonne photo, une musique se fait entendre. Les bonnes photos font de la musique.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Les œuvres complètes de Charles Baudelaire
Quel film vous fait pleurer ? « Thelma & Louise ».
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je ne regarde jamais dans le miroir ; je ne suis pas fan de mon image. C’est pourquoi, en tant que photographe, je trouve que je suis du bon côté de l’appareil photo
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Au Père Noël ?
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
J’aime les villes en bordure de mer. J’aime ce mélange de solide et de fluide. En photo, on compose avec l’ombre et la lumière. Les villes en bord de mer relèvent pour moi du même principe : une opposition de deux éléments forts qui s’attirent, se mélangent, se repoussent et composent une énergie nouvelle.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Ils sont bien trop nombreux pour être cités dans cette interview. Ceux qui me viennent en tête à cet instant : Baudelaire chez les écrivains, pour son écriture moderne, photographique et envoûtante. Chez les photographes Callahan, Yamamoto, Gursky, Dieuzaide, Koo, Brassai, Siskind. Et mon idole absolue : Alexander Calder.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Le plus beau cadeau, c’est de l’amour.
Que défendez-vous ? Dans la vie : l’autre, le faible, l’opprimé : ceux que les cons en général méprisent. Dans l’art, je défends les œuvres et les artistes qui recherchent les racines profondes de nos êtres et de notre inconscient. Je défends ceux qui ne regardent pas du côté du marché pour créer ; ceux qui ne masquent pas un handicap artistique par une hypertrophie de concepts. Le marché s’est emparé d’une partie de l’art. Mais ne n’oublions jamais : l’art n’est pas un marché.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
L’amour c’est de l’art. Et inversement.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?
Je préfère celle-là « l’alcool est la réponse. Mais quelle était la question ? »
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Je ne sais pas, mais la réponse est oui.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 25 novembre 2016.