Un spectacle foutraque, qui accumule dans une jouissance verbale non dissimulée références littéraires, réflexions sur notre époque et incises politiques
Au début, on se regarde. Les comédiens, en front de scène, un peu hagards, considèrent le public tout aussi incrédule. Habillés curieusement normalement, les personnages semblent posés dans un décor rudimentaire, fait de panneaux de bois raboutés, de bric et de broc. C’est une histoire de savants fous, qui ne cessent de communiquer sans jamais rien révéler, qui ne croient plus en leurs inventions géniales. Un spectacle foutraque, qui accumule et mêle dans une jouissance verbale non dissimulée références littéraires (Baal, Faust, au moins) réflexions sur notre époque et incises politiques.
Des théorisations ambitieuses animent les savants et un musicien dont l’élection serait comme une réussite de « Nuit debout », occasion de présenter des réformes économiques, politiques et constitutionnelles inspirées de démocratie participative et de tirage au sort. Là devant nous l’espoir côtoie l’occulte, le dérisoire fait sens et la raison confine à la folie. Sylvain Creuzevault réussit à nous donner le sentiment d’un délitement permanent qui peut être celui de notre époque.
La pièce mêle plusieurs tableaux et rompt volontairement la narration, au risque d’apparaître surchargée, tant la multiplicité des échos mythologiques vient saturer le propos. Chaque personnage semble avoir son double, son ange son démon son faussaire. Les registres personnels, scientifiques, politiques et mythiques sont délibérément mêlés. La démarche et le procédé sont intéressants, stimulants sans conteste, mais, en dépit des performances remarquables des acteurs, le spectacle paraît se déployer sans règle, pêchant par excès.
Ainsi du magnifique opéra contemporain qui ouvre en manière expressionniste la deuxième partie : tant qu’il constitue une parodie, il est édifiant ; lorsqu’il apparaît sérieux et partie intégrante du propos de l’auteur, il se montre trop long et trop ennuyeux pour ne pas être décevant. Finalement, la représentation reste efficace tant qu’elle s’inscrit dans le registre de l’ironie, mais perd tout sens quand elle prétend à l’authenticité.
christophe giolito
Angelus Novus AntiFaust
mise en scène Sylvain Creuzevault
avec Antoine Cegarra, Éric Charon, Pierre Devérines, Évelyne Didi, Lionel Dray, Servane Ducorps, Michèle Goddet, Arthur Igual, Frédéric Noaille, Amandine Pudlo, Alyzée Soudet
Création musicale Pierre-Yves Macé ; régie générale et son Michaël Schaller ; scénographie Jean-Baptiste Bellon ; peinture Camille Courier de Méré, Marine Dillard, Didier Martin ; lumière Nathalie Perrier ; vidéo Gaëtan Veber ; masques Loïc Nébréda ; costumes Gwendoline Bouget ; production et diffusion Élodie Régibier ; Opéra “Kind des Faust” musique originale Pierre-Yves Macé ; livret Sylvain Creuzevault ; traduction en allemand Élisabeth Faure ; avec Juliette de Massy (soprano), Laurent Bourdeaux (baryton basse), Léo-Antonin Lutinier (contre-ténor), Vincent Lièvre-Picard (ténor) Naaman Sluchin (violon) Barbara Giepner (alto), Maitane Sebastián (violoncelle) et Cédric Jullion (piccolo), Elsa Balas (alto), Nicolas Carpentier (violoncelle).
Au théâtre de la Colline, du 2 novembre au 4 décembre 2016, rue Malte Brun, 75020 Paris
http://www.colline.fr/fr/spectacle/angelus-novus
du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30, 01 44 62 52 52.
Grand Théâtre, durée 3h30 entracte compris, avec le Festival d’Automne à Paris
Production Le Singe – coproduction La Colline – théâtre national, Festival d’Automne à Paris, Théâtre National de Strasbourg, MC2 : Grenoble — Scène nationale, Théâtre Dijon-Bourgogne, Le Printemps des Comédiens, La Filature – Scène nationale de Mulhouse, Le Quai — Nouveau Théâtre d’Angers, La Comédie de Valence — Centre dramatique national
Le projet est soutenu par la Direction générale de la création artistique du ministère de la Culture et de la Communication. Avec la participation artistique du Jeune théâtre national. Avec le soutien de La Fonderie au Mans.
Tournée
Le spectacle a été créé le 23 septembre 2016 au Théâtre national de Strasbourg, salle Grüber. Théâtre National de Strasbourg du 23 septembre au 9 octobre 2016 ; Théâtre Garonne-scène européenne, Toulouse du 18 au 21 octobre ; La Scène Watteau-scène conventionnée, Nogent-sur-Marne le 10 décembre 2016 ; L’Apostrophe-scène nationale, Cergy-Pontoise les 15 et 16 décembre 2016
Théâtre Dijon-Bourgogne-centre dramatique national du 21 au 25 mars 2017 ; Bonlieu Scène nationale d’Annecy les 30 et 31 mars 2017 ; Comédie de Valence — Centre dramatique national Drôme Ardèche du 5 au 7 avril 2017 ; MC2: Grenoble — Scène nationale du 11 au 14 avril 2017 ; L’Archipel — Scène nationale, Perpignan les 20 et 21 avril 2017 ; La Filature — Scène nationale, Mulhouse du 26 au 28 avril 2017 ; Nouveau Théâtre d’Angers — Centre dramatique national Pays de la Loire les 4 et 5 mai 2017 ; Parvis — Scène nationale Tarbes Pyrénées du 10 au 11 mai 2017 ; Printemps des comédiens, Montpellier en juin 2017.