Danielle Thiéry, Tabous

Quand se dévoilent ces lourds secrets 

Avec ce roman, Danielle Thiéry ren­voie son héroïne à Bor­deaux et sa région, une contrée où la com­mis­saire Marion est déjà venue il y a quelque vingt ans. (Mises à mort – J’Ai Lu n°11270) L’intrigue s’appuie sur la mal­trai­tance des enfants et les drames qu’elle génère, sur les pul­sions et les com­por­te­ments sexuels autres qu’hétéro-, sur les tabous qui entourent ces situa­tions. La roman­cière met en scène ces secrets qui plombent une société où le silence est jugé pré­fé­rable à une mise au grand jour qui per­met­trait la dénon­cia­tion d’actes odieux ou de lais­ser vivre cha­cun selon leurs élans.

Truc, hagard sur un scoo­ter volé, ses vête­ments imbi­bés de sang, tente de rejoindre un ami qui pour­rait l’héberger. L’obscurité arrive dans cette forêt lan­daise et il se retrouve par terre, la roue avant voi­lée. Il a heurté une vieille femme. Elle est morte. Le temps qu’il réa­lise, il entend un bruit de moteur, voit des phares qui se rap­prochent. Il cache le corps, le scoo­ter et au der­nier moment le sac à main resté sur le che­min. En fouillant ce sac, il trouve l’adresse de sa pro­prié­taire et décide d’aller s’y réfu­gier.
À l’Office Cen­tral pour la Répres­sion des Vio­lences faites aux Per­sonnes, Alix de Cla­very tra­vaille sur un rap­port, en tant qu’expert psycho-criminel quand Edwige Marion, sa patronne, la demande. Cette der­nière tient en main un fax qui vient d’arriver. L’Office est sol­li­cité par la police judi­ciaire de Bor­deaux car Celia, une jeune mère, et Roxane, son bébé de quatre mois, ont dis­paru. On a retrouvé du sang dans les toi­lettes du ser­vice de pédia­trie où elles ont été vues pour la der­nière fois. Marion décide d’emmener une équipe avec Louis Zénard, son adjoint, Valen­tine Cara, la capi­taine proche d’elle et Alix, arri­vée récem­ment et dont la per­son­na­lité l’intrigue. Sur place, elle retrouve Frank Duban, un cama­rade de pro­mo­tion. La jeune mère dis­pa­rue est la fille d’un indus­triel influent de la région, mariée à un Ira­nien dont le père pos­sède une des plus grosses for­tunes du pays.
Truc s’installe dans la mai­son mais la situa­tion est loin d’être aussi tran­quille qu’il l’espérait.
Celia reste introu­vable alors que Roxane est retrou­vée en mau­vaise santé dans un bac de linge des­tiné à par­tir à la lave­rie. Les grands-parents veulent récu­pé­rer l’enfant et menacent. Alix est en pre­mière ligne pour ten­ter de com­prendre les atti­tudes des uns et des autres et les coups de théâtres se suc­cèdent mul­ti­pliant les pistes et le champ des horreurs…

La roman­cière déve­loppe deux par­cours, culti­vant l’incertitude quant aux liens qui peuvent les réunir. Elle anime une gale­rie de poli­ciers avec les dif­fi­cul­tés des uns et des autres, fai­sant montre d’une grande lar­geur d’esprit dans la com­po­si­tion de ceux qui sont en couple, trou­vant natu­relle l’homosexualité du moment que les indi­vi­dus y trouvent un cer­tain bon­heur, à défaut d’un bon­heur cer­tain. Dans ce roman, appa­raît une nou­velle inter­ve­nante en la per­sonne d’Alix de Cla­very, une jeune femme, à peine la tren­taine, qui n’a rejoint l’Office que depuis trois mois. L’auteur lui laisse une place impor­tante, presque celle du per­son­nage prin­ci­pal, met­tant Marion, son héroïne favo­rite, en retrait, la gra­ti­fiant au pas­sage de dou­leurs dues à son âge.
Danielle Thiéry fait montre d’une grande connais­sance du corps humain, de sa phy­sio­lo­gie et des réac­tions de l’organisme face à dif­fé­rentes situa­tions. Elle évoque, à tra­vers les dif­fé­rents exa­mens aux­quels se livrent tant la méde­cine légiste sur les corps décé­dés que la méde­cine hos­pi­ta­lière, les réac­tions bio­lo­giques et patho­lo­giques, les conclu­sions aux­quelles on peut arri­ver. Elle évoque la mal­trai­tance des enfants, l’éducation trop rigide, les inter­dits qui freinent l’évolution de l’enfant. Elle cite le SDS (Syn­drome d’impact des secousses), ce trau­ma­tisme qui cause un nombre de morts non négli­geable chez les bébés.

Avec Tabous, Danielle Thiéry signe à nou­veau un grand roman poli­cier, riche de sa remar­quable gale­rie de per­son­nages, de la jus­tesse des péri­pé­ties et de futurs déve­lop­pe­ments allé­chants avec toutes les zones d’ombre entra­per­çues chez sa nou­velle héroïne.

serge per­raud

Danielle Thiéry, Tabous, Ombres Noires, sep­tembre 2016, 448 p. – 20,00 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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