Nul ne peut prendre Andoche Praudel au jeu du simple hommage (soit-il vibrant) envers les grands personnages de sa terre natale. De Bernard de Ventadour à Marcelle Delpastre, du Moyen Age à nos jours, l’écrivain propose sa chanson de geste. Celle-ci fait le jeu d’une terre centrifuge mais exalte tout autant la nécessité de sa fuite. L’approche est donc forcément obtuse : devenir ce que nous sommes nécessite un voyage. Car ne s’agit pas simplement de bêcher sa propre terre : cela nous dépossède. Il faut aller au-delà et déborder nos lieux premiers. L’échelle de la complexité du monde l’oblige. Manière d’apprendre à désapprendre pour revenir plus intelligent vers la terre première.
C’est la vérité nécessaire aux humains. Praudel l’a fait sienne. Ce qui nous échoit en héritage ne peut pas suffire. Et les « exemples » que l’auteur développe le prouvent. Passer le mur des sons familiers crée la saillie vitale afin d’embrasser le monde par delà l’espace et le temps donnés. Praudel illustre par les « héros » de « sa » Corrèze comment ne pas se contenter d’un même régime.
La conscience s’élargit en changeant d’air pour son devenir corps. Ce dernier ne peut se limiter à sa réduction première. Elle n’induirait que tristesse et échec. Ne jamais se réduire à ce qui nous façonne permet moins de désacraliser notre terre que de fondre dans l’ailleurs sans rien renier de nos racines.
Le monde s’ouvre par le nécessaire “pas au-delà” afin d’adhérer au commerce des hommes en leur diversité. Rester où nous sommes nés enferme, partir nourrit la liberté. Quitte à revenir , “plein d’usage et raison “comme disait Du Bellay , vers nos fantômes mais sans être acculé à leur soumission et leur hantise. A l’image des modèles évoqués ici l’objectif est clair : chercher ce qui nous échappe et que la terre première, seule, ne peut donner.
jean-paul gavard-perret
Andoche Praudel, Gloire de la Corrèze, Editions Manucius, Paris, 2016, 198 p.- 18,00 €.