Un thriller fantastique du froid
Les peuples du nord de l’Europe ont construit une mythologie personnelle aussi riche que celles de Méditerrané en monstres, créatures, voire personnages, fantastiques. Sylvain Runberg, pour la présente série, s’appuie sur certains de ces mythes pour développer des intrigues alliant la tonicité du thriller et le côté ténébreux, sombre du fantastique.
À Stockholm, dans l’Ericsson Globe, tout le monde attend Anna pour la répétition des Popmasters, l’émission la plus populaire de la télévision suédoise. Son agent va la chercher. Sa loge est déserte, les murs couverts de runes tracées avec du sang. Eva Sundström quitte son amant d’une nuit pour rejoindre son lieu de travail. Au commissariat, où elle a le grade d’inspectrice, elle est chargée, avec Thérèse, de l’enquête sur la disparition d’Anna, une disparition qui fait du bruit car l’étoile montante de la chanson est très populaire. Sur place, elles apprennent qu’il s’agit de sang de porc et que ses musiciennes soupçonnent son ex-agent, Bo Svetsson qui n’accepte pas qu’elle l’ait quitté. Cependant, l’interrogatoire de ce dernier n’apporte pas rien.Pour déchiffrer ces runes et ouvrir, ainsi, des pistes, Thérèse pense à une amie de lycée devenue archéologue, spécialisée dans la civilisation viking. Celle-ci ne connaît pas ces signes mais demande à Josef Wörg, son collègue, qui confirme que ces signes sont incohérents, intraduisibles. Entre temps, une autre chanteuse disparaît, comme Anna, sans laisser de traces.
Les deux enquêtrices restent sans début de piste quand Eva est contactée par Josef. Celui-ci lui raconte son histoire, les tenants et les aboutissants de ce qui semble incroyable et l’entraîne, malgré elle, dans une situation difficile où elle va devoir abandonner ses repères, ce qui structurait et composait sa vie.
Cette première enquête comprend La Première peau, album paru en janvier 2016, et Le Quatrième frère, paru tout récemment. Elle permet la mise en place des principaux éléments de la série, mais rentre dans le vif du sujet sans plus attendre. Le scénariste réunit deux héros bien dissemblables. La première, Eva, est une jeune femme libre dans sa vie personnelle, attachée à son job dans lequel elle excelle. Eva est rationnelle, nourrie de cartésianisme et de pragmatisme. Son expérience professionnelle l’a mise en contact, sur le terrain, avec la lie de l’humanité mais elle conserve foi dans la nature humaine et dans l’amitié. Le second, âgé de cinquante ans, semble consacrer sa vie à l’archéologie, à la civilisation viking et à la mythologie scandinave. Cependant, c’est une couverture car il est le descendant d’une lignée bien particulière. L’existence lui a réservé bien des épreuves et sa face sombre est riche en surprises.
La réunion de ces deux personnages, de ce duo improbable permet au scénariste de concocter une intrigue rythmée, au déroulement passionnant, avec ce qu’il faut de frissons et de ténèbres. Le dessin de Jean-Charles Poupart, s’il est empreint d’académisme, se montre remarquable dans tous les domaines, que ce soient les ambiances, les scènes d’action, les personnages. Les décors sont soignés, les expressions des protagonistes sont bien rendues, le découpage est dynamique. Une première enquête passionnante pour la richesse de l’intrigue, du caractère des personnages et pour un graphisme très agréable à regarder.
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serge perraud
Sylvain Runberg (scénario), Jean-Charles Poupard (dessin), Johann Corgié (couleurs), Le Chant des runes,
- t.1 : “La Première peau”,
– t.2 : “Le Quatrième frère”,
Glénat, coll. “Grafica”, janvier et octobre 2016, 48 p. – 13, 90 € l’album.