Les poèmes de Dunand ressemblent à des pages de carnet intime. Mais ce sont bien des poèmes : « pour une page de carnet, on se réjouit d’être seul. Le bonheur d’écrire est lié à cette tranquille intimité : on écrit, non pour un éventuel public, mais pour soi-même, pour se conforter soi-même. » disait Laporte, mais Dunand partage une autre ambition. Il fait de l’écriture un don et pas seulement une fugue. Son chant reste toujours le même mais son exigence se resserre. Contre la « noyade » et les absents, il tente de donner à l’écriture l’occasion de penser ce qu’elle ne pense pas encore : rien de neuf pourtant mais des rappels à l’ordre conséquents : ce qu’il en est de l’art, des villes, de l’amour.
Pour chaque élément de cette trilogie, la décision d’écrire doit défier l’entendement selon une « évidence » capable de capter l’ineffable. Comme il le demande à l’Amoureuse : « Cherche en toi. / Tu me trouveras. / Cherche. : Où que tu sois. / Cherche. / En femme. / En amante / Eternelle ». Cela oblige alors à « repenser » l’écriture, la refendre sans cesse.
Michel Dunand ne cesse de s’y atteler. Il enfonce le clou non sans une parfois une paradoxale gaieté . Mais tout autant avec lucidité. Il n’est pas un romantique. Pas plus qu’un nihiliste. Noblesse oblige : pas n’importe laquelle. Il s’agit de « tracer un trait sur les gouffres ». Et le poète de préciser : « On peut aimer la mer, rien que pour sa surface ». Et pour sa paix, pour son silence lorsqu’elle est d’huile. Alors imaginer Venise . Comme Duras. Imaginer une Amante. L’éternelle amante. Comme chez Duras. Et faire de la poésie le plus grand des voyages.
jean-paul gavard-perret
Michel Dunand, Miels, Editions Henry, Montreuil sur mer, 2016,78 p.- 8,00 €.