A l’ombre de la grande Sartreuse, l’auteur des Mots mit le fat Aron sur une pyramide que le premier voulut sarcophage. Mais il est vrai qu’il se trompa sur tout en mêlant l’inutile au désagréable. A ce titre, il fut le rhéteur officiel de la pensée marxiste-léniniste germanopratine dont hérita avec la même « pertinence » Philippe Sollers.
Comme lui et comme la plupart des “rationatisateurs” du XXème siècle, Sartre ignora tout du rock and roll (et sa vision du jazz ne fut guère reluisante).Vince Taylor accompagné de ses Play Boys ne parvint pas à ses oreilles. Il en retint ce que la presse avait dit de lui lors de l’émeute qu’il provoqua au Palais des Sports en 1961 et dont il fut tenu pour responsable.
Pour montrer le fossé entre deux mondes, Esperet a imaginé un dialogue où le philosophe parle à travers des extraits anabolisants de L’être et le Néant et le rocker à travers des citations apocryphes ou non d’interviews. Sartre y paraît tel quel : un grand auteur comique. Pour preuve, un seul exemple : « nous n’admettons pas qu’il y a continuité du connaissant au connu car elle suppose un terme intermédiaire qui soit à la fois connaissant et connu ce qui supprime l’autonomie du connaissant en face du connu en engageant l’être du connaissant dans l’être connu ». Ce à quoi Vince Tylor répond — en cause première aussi objective que suggestive — : « Excuse-moi j’ai envie de pisser, pas toi ? ».
Ce qui aurait du combler Sartre dont le « Je » ne pouvait pas être un autre que lui-même — sinon à transformer le monde en enfer. Ce dernier, Vince Taylor le connut : abandonné de presque tous, il mourut schizophrène sur les bords du Léman. De la folie, Sartre ignora tout. Même la sagesse. Ce qui n’enlève rien au plaisir de ce dialogue de cires et de circonstances.
jean-paul gavard-perret
Jean-Michel Esperet, L’être et le Néon, éditions L’Ecarlate, Paris, 2016 — 10,00 €.
Grand merci pour cette chronique.