S’ éloigner du sujet est ce qu’on pourrait appeler un ouvrage aussi urbain qu’urbaniste. Toute une poétique de la ville s’y instruit de manière paradoxale. Il ne s’agit plus de parler « de » la ville mais de faire parler « de » l’écriture à partir de la cité, de ses projets et de ceux qui y circulent. D’où des « chantiers » et des « marches » avec un sas du passage entre les deux. Le tout avec un caractère sinon indéfini du moins infinitif par l’emploi d’une telle forme verbale.
Les textes deviennent des coupes transversales d’un devenir lié à la rénovation d’un quartier ancien. Ses aspérités et celles de l’écriture sont des lieux de passage de mouvements reçus et renvoyés qui impliquent le Temps. Preuve que toute recollection n’est jamais suffisante. Le temps fond sur l’écriture en tant que fondation libre qui s’apparente à une « creuxation » ici en trois moments et par des éléments « techniques » épars et disjoints. Ce qui implique divers types de directions, genres et des mouvements de translation.
Le texte crée des changements alternatifs et qualitatifs et des altérations dans le Tout. Ce qui ne cesse pas de changer, est autant le « cœur de la ville » (Baudelaire) que le devenir du texte. L’ensemble demeure ouvert.
Surgit une immanence : elle n’est pas séparable d’une multiplicité de présentations. Elles réagissent les unes sur les autres en diffusant une série infinie d’espace-temps.
jean-paul gavard-perret
Vincent Lafaille, S’éloigner du sujet, éditions série Discrète, 2016, 24 p. — 9,00 €.