Le réel tel qu’il est constitue le réservoir où Alexandra Breznaÿ pioche pour laisser apparaître des silhouettes urbaines souvent solitaires et énigmatiques. L’artiste ne cherche pas à dénouer leur secret. Tout reste en suspens là où les personnages vaquent ou demeurent en attente voire dans un certain état d’abandon. Face à l’appétit de consommation des images la jeune photographe permet la dérégulation du simple passage de la vue à la représentation. Peu à peu de telles prises créent l’expérience de notre environnement en nourrissant nos images mentales d’un univers littéral et poétique loin de toute culture iconographique de l’esbroufe.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mon réveil. Et la promesse du petit-déjeuner.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils restent très présents et sont un guide quand j’ai besoin de me recentrer.
A quoi avez-vous renoncé ?
À vivre dans plusieurs villes en même temps !
D’où venez-vous ?
De Paris, avec des racines familiales à Budapest.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Je ne suis pas mariée. Mais pour ne pas esquiver la question, disons la curiosité et la volonté. Ma famille m’a aussi transmis beaucoup de bonnes choses, en termes d’héritage artistique notamment.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Oui, plusieurs. Il n’y a pas vraiment de plaisir que je boude… même si je n’aime pas le fromage.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
C’est à vous de me le dire.
Comment définiriez-vous votre approche du réel ?
Je m’approche du réel dans le sens où je fais de la photographie documentaire. Je m’intéresse particulièrement à l’environnement des grandes villes et je suis assez attirée par l’expression des visages et les moments d’entre deux. Je m’en détache car je sélectionne certains instants et y inscris ma vision parfois poétique, parfois incongrue… J’aime aussi comparer plusieurs réalités, je me nourris de mes voyages pour essayer d’appréhender un lieu avec un regard neuf.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Peut-être la Vierge à l’Enfant avec Sainte Anne de Léonard de Vinci.
Et votre première lecture ?
« Les Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos est une des premières lectures qui m’ont interpellée. Enfant, j’ai été marquée par le livre « Jonathan Livingston le goéland » de Richard Bach.
Quelles musiques écoutez-vous ?
J’écoute beaucoup de styles de musique différents pour accompagner mes humeurs de la journée. De la soul ou musique électronique pour travailler, des tubes des années 60 ou du reggae pour me mettre de bonne humeur. Hope Sandoval, Devendra Banhart et Serge Gainsbourg à tout moment. Mon goût va généralement vers des musiques très joyeuses ou très nostalgiques.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Lettre à Ménécée » d’Epicure.
Quel film vous fait pleurer ?
En vrac, « Kuch Kuch Hota Hai » de Karan Johar, « Orfeu Negro » de Marcel Camus, « Un Homme et une femme » de Lelouch, « Nous Nous sommes tant aimés » d’Ettore Scola, « The Kid » de Charlie Chaplin…
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je n’ai pas particulièrement de troubles de l’identité. Je vois moi.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A certaines personnes qui m’ont le plus marquée de peur que notre rencontre perde de son sens.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
New York, Rome et Budapest.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Les peintres Peter Doig et Rippl-Ronai, les photographes Saul Leiter, Jeff Mermelstein, et William Eggleston, l’illustrateur Saul Steinberg. En littérature, Boris Vian, Shakespeare, Philippe Djian, P. G. Wodehouse…
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Des lieux d’exposition.
Que défendez-vous ?
Le droit de perdre son temps, de vivre au rythme de notre vie intérieure, de se connecter avec ce qui nous dépasse.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Cela m’inspire de la peine pour Lacan. Il devait être sur le coup d’une petite déception amoureuse… Heureusement, parfois, on tombe sur mieux que ça !
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Très drôle.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Je ne vois pas, votre questionnaire est très complet !
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 8 novembre 2016.