Qui ne connaît pas Arsène Lupin, le gentleman-cambrioleur ? Celui-ci est célèbre, depuis plus d’un siècle, pour ses aventures échevelées, pour son audace alliée à une attitude facétieuse, pour son solide sens de l’humour et de la mise en scène. Ce personnage est apparu, pour la première fois, dans le numéro 6 du magazine Je sais tout de juillet 1905. Mais qu’est-ce qui a présidé à l’émergence de ce héros ? Pourquoi et comment a-t-il été créé ?
Il faut revenir en novembre 1887 quand, sous la plume de Conan Doyle, un médecin écossais, apparaît Sherlock Holmes dans Une étude en rouge. Cependant, malgré l’incontestable succès, l’auteur après deux romans et vingt-quatre nouvelles en a assez de cet encombrant héros qui l’empêche d’écrire son œuvre. Alors, en décembre 1893, il le précipite dans les chutes du Reichenbach. La mort du détective provoque une vive réaction et, sous la pression des lecteurs, de l’éditeur, il est amené à le faire revivre, un retour réussi en août 1901 dans Le Chien des Baskerville. Le succès est fulgurant.
Aussi, quand le jeune éditeur Pierre Lafitte crée Je sais tout, un nouveau mensuel, il voudrait bien avoir les aventures d’un héros de cette trempe dans ses pages, une telle locomotive pour propulser ses ventes. Il demande à Maurice Leblanc, un écrivain normand auteur de quelques romans restés confidentiels, de nombreuses nouvelles, de chroniques sur le vélo et l’automobile, d’imaginer un personnage capable d’enflammer l’intérêt des lecteurs, comme le fait Sherlock Holmes.
En opposition à un détective, Maurice Leblanc pense à un voleur génial, sorte de Robin des bois, capable de toutes les ruses et de tous les exploits. Cependant, il lui fait commencer sa carrière en le faisant arrêter, puis emprisonner avant, bien sûr, de le faire évader de façon spectaculaire, car ce héros aime le panache.
Après sept aventures, toutes plus passionnantes les unes que les autres, le romancier confronte son héros, en juin 1906, à son concurrent de papier, dans Sherlock Holmes arrive trop tard. Cependant, Conan Doyle réagit et dans l’édition en volumes le détective anglais deviendra Herlock Sholmès, assisté de Wilson et habitant Parker Street 219. Puis, en novembre de la même année, il le remet en scène dans trois novellas qui seront réunies sous le titre Arsène Lupin contre Herlock Sholmès où le gentleman-cambrioleur se joue brillamment du détective.
C’est en novembre 1908 que commence un des livres les plus emblématiques de la saga, une aventure qui préfigure la suite, à savoir L’Aiguille creuse où Lupin, déchiffrant une énigme, va découvrir un des secrets les mieux gardés des rois de France.
Puis le romancier, qui se présente comme le biographe de l’aventurier, celui-ci venant sans s’annoncer lui raconter ses exploits, relate neuf nouvelles histoires qui seront réunies sous le titre Les Confidences d’Arsène Lupin.
Le présent volume compile toutes les aventures du héros écrites et publiées dans Je sais tout, entre juillet 1905 et février 1913 avec, cerise sur le gâteau, toutes les illustrations d’origines dans le format de l’époque. On ne peut que se réjouir de la très belle présentation de l’ouvrage, un livre magnifiquement illustré sous un étui cartonné. Il faut féliciter l’éditeur qui prouve que des imprimeurs français sont capables, pour des coûts très abordables, de faire mieux sans aller chercher des entreprises d’Europe centrale ou de d’Extrême-Orient.
Cet ouvrage fait un magnifique cadeau de Noël pour tous les amateurs de livres d’aventures, des aventures de grande classe avec ce héros dont on ne se lasse pas d’admirer le brio, la faconde, les capacités hors normes. C’est à tout âge que l’on peut découvrir Arsène Lupin et devenir addictif de ses aventures.
serge perraud
Maurice Leblanc, Les Premières Aventures d’Arsène Lupin, Omnibus, septembre 2016, 640 p. au format 20 x 26 cm — 39,00 €.