La langue a des droits sur nous. Pour Yanick Torlini, elle a même tous les droits même s’il ne se bat qu’avec ses restes en attendant — dans la solitude mais le plus longtemps possible - la mort, à savoir « le / désert » entravé avant sa venue de nos « langues de / caillasses ». Dans une sorte de soliloque, le poète doit néanmoins répondre de quelque chose : l’impossible qui n’est pas le sujet puisqu’il ne peut que mourir, insignifiant comme chacun. La poésie reste donc l’épreuve du doute qu’il faut creuser comme se creuse « la langue dans la langue ». Elle se réduit (et se substitue ?) à la misère de la condition humaine au sein de ce qui représente toutefois une rechute de la dénégation.
Il faut donc encore travailler le présent en la dépense improductive chère à Bataille dans ce qui tient encore du flux et du manque. Et au nom de ce « je qui ça ? » de Beckett. Il donne encore à croire que ce « moi » fantôme marche ou tient debout. Si bien que la poésie demeure le seul aspect de l’hétérogène et de l’altérité.
La langue pour les atteindre est traitée comme restreinte afin de ne plus se payer de mots. Yannick Torlini en dénie toute sacralité et fétichisme classique. Reste à dire, pour que ça bouge encore tant que faire se peut dans « la tendre indifférence du monde » (Camus).
jean-paul gavard-perret
Yannick Torlini, Seulement la langue, seulement, Editions Dernier Télégramme, 2016, 112 p. –13,00 €.