Sur son site, Aymeric Vergnon d’Alençon précise l’objet de son travail : « Je cherche depuis longtemps et encore aujourd’hui une forme de révélation par l’image. L’espérance qu’à travers ces expérimentations un lieu — une terre promise — puisse être donné. » Plus précisément, et à travers la photo, il fouille ce qui, dans le proche, est « aussi éloigné de moi qu’un lieu sacré et ce qui dans le lointain s’approche de moi jusqu’à mon intimité. » Se retrouve une problématique chère à Blanchot pour cette dualité mais aussi une proximité avec la vision d’un Marcile Ficin et son étau entre le monde tel qu’il est et une réalité spirituelle qu’il tente de faire jaillir selon des voies particulières.Dans cette recherche gnosique et scholastique, l’artiste s’est intéressé au « Surgün Photo Club » (1970–2003). Ce collectif naquit dans la région parisienne et fut animé par des immigrés de divers horizons. Le projet du club était de retrouver à travers des protocoles photographiques des états d’une transcendance divinatoire et libératrice. Le travail autour du « Surgün photo club » est donc lié à la photographie et sa mystique.
L’auteur a fait son enquête autour de ce lieu considéré par certains comme une secte qui chercha à combler la sensation d’exil par l’image. La « confrérie » est rentrée en symbiose avec la recherche d’Aymeric Vergnon d’Alençon : trouver l’image inattendue riche d’un contenu inédit en vertu de puissances mystérieuses capables d’expliquer le monde à travers divers rituels techniques de l’imagerie.
Mais ce qu’il n’a pas pu trouver dans son enquête filée, l’auteur l’invente.
Il s’agit moins de reportage que de poésie où se cultivent les interstices. Aymeric Vergnon d’Alençon réinvente les travaux photographiques du club : « images flottantes baignant dans du formol, cartes postales en cours de métamorphose dans des chrysalides de paraffine, manuel de divination par le western ». Surgissent des travaux mâtinés d’humour, de nostalgie et d’effacement. Le livre devient ainsi un jeu de piste aux pièces manquantes. Il permet non seulement à l’auteur mais au lecteur d’imaginer encore.
jean-paul gavard-perret
Aymeric Vergnon-d’Alançon, Gnose & Gnose & Gnose, art&fiction, coll. Re:Pacific, Lausanne, 2016, 200 p. — CHF 37 / € 25