Une relecture moderne d’un chef-d’œuvre
Ravage a été publié en 1943 par les Éditions Denoël alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage. Son auteur, René Barjavel, est alors chef de fabrication chez l’éditeur, poste retrouvé après sa démobilisation. Il n’a publié qu’un livre, Roland, le chevalier plus fier que le lion, déjà chez Denoël, un roman plus spécialement destiné aux jeunes. C’est une réécriture en français moderne de La Chanson de Roland.
Ravage est donc son premier véritable roman à être publié. Le thème est futuriste bien que dans la France occupée, avec des pénuries de toutes natures que les populations connaissaient, on pouvait se rapprocher de la situation décrite dans le livre.
Deux armées “moyenâgeuses” s’opposent dans une bataille rangée à la Cadière-d’Azur. Un homme âgé, que tous appelle Le Patriarche, dirige les opérations du siège pour s’emparer du village. Devant un sort des armes défavorable, il s’élance, prend d’assaut les remparts et défie, en combat singulier, le chef de l’armée adverse. Il ne veut pas que son adversaire utilise la machine qu’il a conçue car il se souvient…
Cent ans auparavant, en juin 2052, François Deschamps somnole en gare de Marseille quand il reçoit un appel du proviseur de son école préparatoire. Celui-ci annonce à son meilleur élève, en toute discrétion car les résultats ne seront publiés que le lendemain, son admission à l’école supérieure de chimie agricole. Bien que n’aimant pas se sentir sans contrôle sur les éléments, il se rend à Paris par le train, en 22 minutes.
Blanche Rouget, l’amie d’enfance, devenue la fiancée de François est à Paris où elle poursuit des études à l’École Nationale d’Administration. Cependant, découverte par Jérôme Seita, elle est en passe de devenir chanteuse de variété avec un immense succès. Pour fêter cela, son mentor l’invite à dîner le lendemain, mais celle-ci décline car elle a rendez-vous avec son fiancé. Seita, dépité, fait faire des recherches sur François et insiste tant auprès de la jeune femme qu’il la convainc de remettre leur rencontre. Le lendemain, François découvre qu’il n’est pas sur la liste des reçus et que Blanche paraît sur tous les réseaux possibles dans un clip qui connait un large triomphe.
Seita, après le dîner en Islande, a ramené Blanche chez lui. Il se fait pressant, si pressant qu’elle prend peur et se réfugie dans l’ancêtratoire d’où elle appelle François à son secours. Soudain, l’énergie, moteur de toutes les activités, disparaît. Plus rien ne fonctionne !
Dans une société régie par une technologie toute puissante, s’appuyant sur une énergie omniprésente et pléthorique, l’auteur imagine un arrêt brutal. Tout s’arrête avec les accidents, les catastrophes que cela entraîne. Si pareil accident devait arriver aujourd’hui, a-t-on encore des pilotes capables de poser seuls, sans les secours de l’informatique, leur Airbus ou leur Boeing ? Cependant, des idées que René Barjavel place dans son livre étaient professées par le pouvoir de Vichy, comme le retour à la terre, le culte du chef… Les scènes de pillage à Paris peuvent rappeler l’exode de 1940. Les critiques contre le progrès qui ramollissait l’être humain, qui le rendait dépendant des machines faisaient largement débat, à l’époque chez nombre d’intellectuels.
C’est Jean-David Morvan qui adapte, en trois volumes, ce livre qui figure aujourd’hui d’un classique de la Science-Fiction. Il retranscrit avec talent les concepts principaux du roman, gardant l’esprit tout en impulsant une tonalité moderne au récit. Le dessin est confié à Rey Macutay, un jeune philippin, qui a commencé sa carrière d’illustrateur pour des studios d’animation de Manille. Il a déjà travaillé avec le scénariste sur le biopic de Jaurès. Il dessine Paris comme s’il y vivait, et donne des pages de superbes décors.
Ce premier volume où les éléments du drame se mettent en place est une réussite par l’éclairage moderne donné par le scénariste et les décors très futuristes donnés par un illustrateur qui n’a pas fini de nous étonner.
serge perraud
Jean-David Morvan (scénario, adaptation du roman de René Barjavel), Rey Macutay (dessin), Walter (couleur), Ravage t.1, Glénat, coll. “Grafica”, septembre 2016, 48 p. – 13,90 €.