Henri Droguet dans le désordre : entretien avec le poète (Désordre du jour)

Henri Dro­guet se défi­nit non sans rai­son comme « un baroque qui déman­ti­bule et met en crise le vieux lan­gage ». C’est d’ailleurs le sens du titre de son récent recueil. S’y accom­plit le dur désir de durer dans un pré­sent — qu’il soit gno­mique ou non. Le poète taille dans la fureur « brouillon­nante ». L’étonnement naît de par­tout. Sur­tout de la côte bre­tonne.
Et pour mieux la sai­sir dans le pré­sent de la sen­sa­tion, Dro­guet cale ses phrases en leurs séquences ver­si­fiées. Il les prive par­fois de verbe d’action pour mieux immo­bi­li­ser la sen­sa­tion en un éter­nel pré­sent. Cepen­dant, cette atro­phie n’est qu’un piège puisque le choix syn­taxique ne signe pas une mise au tom­beau mais une résur­rec­tion et une insur­rec­tion en ” feu tout flamme de l’empêtrement “.

Henri Dro­guet, Désordre du jour, Gal­li­mard, 2016, 168 p.

Enty­re­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La fatigue

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils sont res­tés les rêves de l’enfant que j’ai été.

A quoi avez-vous renoncé ?
Au renon­ce­ment.

D’où venez-vous ?
D’ailleurs.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Je me le demande.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
La mer, devant le bout de mon nez.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Je n’en suis pas un.

Com­ment définiriez-vous votre approche de la poé­sie ?
Diable! je ne fais que m’en appro­cher, je me garde bien d’arriver quelque part.

Com­ment expli­quez vous la place très à part que vous tenez dans le “pay­sage” poé­tique fran­çais ?
Je ne crois pas y tenir une place, je ne fais pas ce qu’il faut pour, comme dit l’ami — amé­ri­cain — Alexan­der Dickow : “Henri Dro­guet est un out­si­der”, enten­dez un mar­gi­nal, et ça me va très bien.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
La mer la mer la mer.

Et votre pre­mière lec­ture ?
J’avais quoi ? 8 ou 9 ans, c’était un roman d’aventures mari­times d’un cer­tain Jean d’Agraives (per­son­nage poli­ti­que­ment dou­teux) qui s’intitulait Le filleul de la Pérouse (Biblio­thèque Verte).

Quelles musiques écoutez-vous ?
Les pièces pour viole de gambe de Marin Marais, et Mr de Sainte Colombe ( en boucle) ou les qua­tuors de Bee­tho­ven, la musique pour piano de Schu­bert (et éga­le­ment ses lie­der, ses qua­tuors et le quin­tette en ut majeur D. 956), les oeuvres pour piano de Debussy, de l’opéra… etc… . J’écoute ad libi­tum les suites pour vio­lon­celle, les par­ti­tas pour piano et les varia­tions Goldberg !

Quel est le livre que vous aimez relire ?
« La Recherche du temps perdu » (en boucle, ou presque).

Quel film vous fait pleu­rer ?
« Nos­tal­ghia » d’Andrei Tar­kovski mais il n’est pas le seul.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Un autre (c’est mieux comme ça).

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Per­sonne, rien ne m’arrête

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Je n’ai pas de réponse, sinon la mer qui est inimy­thable.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Diantre ! Bau­de­laire, Cor­bière, Rim­baud Rim­baud Rim­baud, Cen­drars, Fré­naud… et des dizaines d’autres. Rem­brandt, Bou­din, Cézanne, Sou­lages (et des dizaines d’autres).

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Quelques livres supplémentaires

Que défendez-vous ?
Avec d’autres : la jus­tice (dans tous les sens du mot).

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
et ta sœur ?

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ? »
Cette phrase est bien plus vieille que Woody Allen, et elle est inévi­table, non?

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Les autres

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 26 octobre 2016.

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