Il existe dans l’œuvre d’Emelyne Duval un faire part et un faire corps où le réel se métamorphose en mode de transmission du ressenti de manière ironique ou poétique. Il faut en effet selon l’auteure ne jamais sortir (ou presque) du corps, de sa joie, du péché, de la génitalité, du silence, de la honte, du privé, de l’incompréhensible, de l’incomplétude voire d’une certaine folie. Mais l’art en le représentant fait qu’on éviter de “péter les plombs”. Tout au plus ils fondent.
D’ Emelyne Duval : Coffret, Editions Littérature Mineure, Rouen, 2016.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Ma vessie.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Enfant, je rêvais de devenir professeur. J’aimais dessiner, écrire, créer des objets, des petits carnets. De 12 à 20 ans, j’ai suivi des ateliers dans une académie des Beaux-Arts. Ceux-ci ont été très inspirants. Je pense que cette période aux Beaux-Arts a influencé mes choix d’études ainsi que mes différentes rencontres artistiques. Après un Master en communication graphique et visuelle suivi d’une aptitude pédagogique, j’ai eu la chance d’obtenir un poste dans l’enseignement de type artistique. Aujourd’hui, je donne cours à l’école des Arts à Braine-l’Alleud. Mon rêve d’enfant est devenu une réalité qui me fait sourire, grandir et me passionne.
A quoi avez-vous renoncé ?
Plaire à ma famille.
D’où venez-vous ?
Je viens d’un petit village rural nommé Anderlues, une commune francophone de Belgique située en Région wallonne. Je suis donc une « bourletie » (expression locale).
Ce village est déjà insolite car la Haine y prend sa source! J’ai longtemps travaillé à la boucherie « Zephir Hanus » (à prononcer 3 fois très vite), connue sous 3 générations. Il y a nombre de cafés typiques où des passionnés de colombophilie se rejoignent au “Pigeon Paradise”. Le patois local m’a bercé pendant de nombreuses années, mon accent en fait foi.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La force et le bon sens de mes parents… sans que j’en fasse toujours le meilleur usage. Heureusement !
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
La masturbation, avant ou après la sieste.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
La distinction me semble une illusion…
Je crée simplement pour exister et non comme un travail.
La création me permet d’imaginer un autre monde. J’y partage des idées, j’exprime des désirs, je raconte des histoires pour rêver et je n’ai aucune ambition d’être ou devenir Artiste.
Comment définiriez-vous votre approche du dessin ?
Mon approche du dessin est comme un voyage émotionnel et instinctif qui se construit en plusieurs phases.
La première phase est celle d’un vécu ; c’est-à-dire le sujet ou le thème que je vais aborder va vraiment dépendre de ce que je vis, entends, rêve ou rencontre par le hasard de la vie.
La deuxième phase est l’étape de déconstruction, celle du collage, réalisée à partir de croquis, de gravures choisies ou glanées.
La troisième phase est celle où le collage va tenter de devenir une image qui donnera forme à un dessin.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
La première image qui m’interpella ?… Le Christ sur sa croix ?
Dans l’enfance, je ne comprenais pas l’image de ce Christ cloué avec le sang sur ses mains et ses pieds, censé représenter le sommet de l’amour de Dieu.
Et votre première lecture qui vous interpella?
Un livre offert par ma mère sur le mécanisme de la sexualité et de la reproduction.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Ces dernières semaines :
– Dans l’atelier, j’écoute l’album de Woody Allen & His New Orleans Jazz Band, The essential de Benny Goodman ou bien l’album « Mother » de Jack Jutson.
– Dans la salle de bain: Boby Lapointe.
– Le soir ou la nuit : plutôt des textures de Brian Eno ou Harold Budd and Clive.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Réussir son couple. Les premiers jours…et les suivants » que j’ai lu au moins 10 fois…
Passionnant ! de Christel Petitcollin, éditions jouvence.
Quel film vous fait pleurer ?
ça m’arrive souvent de pleurer devant un film..
Le dernier était « Juste la fin du monde » de Xavier Dollan
Sinon le film « Irène » de Alain Cavalier et « Elle s’appelle Sabine » de Sandrine Bonnaire.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Un collage.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A la maison d’édition Buchet Chastel.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Anderlues et la boucherie « Zéphir Hanus » (à prononcer 3 fois très vite)…
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Artistes : Paul Nougé, Topor, Henry Hugnet, Magritte, Max Ernst, Agnes Varda, Olivia Bee, Hans Peter Feeldman, Erwin Wurm, Chaval…
Ecrivains: il y en a beaucoup…Hans Bellmer, Antonin Artaud, Virginia Woolf, André Stass, Jean François Billettier, Beatrix Beck, Paul Valery, Marcel Proust, Marguerite Duras, Nathalie Heinich, John Berger…
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une imprimante et un scanner A3.
Que défendez-vous ?
La liberté d’expression qui est surtout une liberté d’offenser !
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Chez Lacan, l’amour est trop sérieux.
Il n’a pas beaucoup d’humour à offrir !
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Personnellement, je n’aime pas du tout cette question!
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Euh… “Comment sécher une poule mouillée »?
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 3 octobre 2016.