A sa manière, Christian Pellet est un anarchiste. Il montre qu’une forme de communauté plus ou moins inavouable contamine l’humanité depuis les quais de Lausanne. Il illustre par son livre ce que disait Schopenhauer : « je suis les autres, n’importe quel homme est tous les hommes ».
Machographie fait donc participer — selon différents types de pièces rapportées, officielles ou imaginées — aux manifestations d’une communauté qui bouge, tremble, désire, transpire, crie, aime, se fatigue, s’excite, se met en colère. Les sentiments et les pensées ne sont pas exprimés directement mais selon divers preuves réunies sans hiérarchie particulière.
Les présentés présentables sont attachés à la terre mais tendent leurs mains vers le ciel selon une élévation qui lie le passé au futur. Ils sont donc érigés selon le cordon ombilical qui relie le passé au futur au sein d’un présent festif où « je est un autre ». Mais pas n’importe lequel : celui qui oscille entre l’ordre et le chaos et qui — à l’aune de ses pairs — permet de se demander quelle existence il s’agit d’accepter avant que la vieillesse pervertisse puis ferme le jeu.
Selon Gilles Deleuze, « Il faut qu’il y ait une nécessité sinon il n’y a rien du tout ». Cela est moins clair pour Pellet. Il accepte l’humain trop humain, le relatif et s’en fait une fête. Son livre dégingandé et jouissif en est le témoin.
jean-paul gavard-perret
Christian Pellet, Machographie, art&fiction, coll. Re:Pacific„ Lausanne, 2016, 128 p. — 34,00 CHF / 22.50 €.