Carlo Ossola, Introduction à la Divine Comédie

Un guide pour le Guide

Inspiré depuis long­temps par La divine Comé­die de Dante Ali­ghieri, Carlo Ossola, pro­fes­seur au Col­lège de France et qui lui a consa­cré de longues années d’analyse comme d’exégèse, résume ici de quoi com­prendre cet excep­tion­nel et aus­tère monu­ment lit­té­raire qu’est l’oeuvre dan­tesque : ima­gi­nez 100  chants, dont 34 pour l’Enfer, 33 pour le Pur­ga­toire, et 33 pour le Para­dis, écrits en ter­cets ou petites strophes de 3 vers  en déca­syl­labes. Soit 14 230 vers écrit pour la pre­mière fois en langue vul­gaire flo­ren­tine — les idiomes mis en exergue dans le texte emprun­tant beau­coup aux trou­ba­dours pro­ven­çaux (par exemple, Arnaud Daniel et Ber­trand de Born, trou­ba­dours aqui­tains), — dans un texte pul­lu­lant de réfé­rences à l’histoire de l’Italie (Flo­rence en par­ti­cu­lier) comme à la théo­lo­gie et vous aurez com­pris le défi pro­posé par ces quelques cent soixantes pages.

Souvent consi­déré comme her­mé­tique et à décon­seiller aux béo­tiens, il s’agit du foi­son­nant et riche récit d’une vision fan­tas­tique — sur le modèle de la Vision du frère  Albé­ric,- durant laquelle Dante, trans­porté dans le  monde sur­na­tu­rel ensei­gné par la théo­lo­gie du Moyen Age, est admis à contem­pler tout d’abord les sup­plices des dam­nés dans l’Enfer (cer­tai­ne­ment les pas­sages les plus connus et illus­trés : voir les épi­sodes de Fari­nata degli Uberti, de  Fran­cesca de Rimini et d’Ugolin) puis l’état des âmes dans le Pur­ga­toire avant d’accéder aux joies célestes des justes dans le Para­dis (où l’on trouvé notam­ment le célèbre épi­sode où Cac­cia­guida, aïeul du poète gémit sur la des­ti­née de Flo­rence, et pré­dit les mal­heurs de son petit-fils.. Guidé par Vir­gile (puis Stace) qui escorte le poète, Dante reçoit par ses soins au fur et à mesure de son péle­ri­nage toutes  les expli­ca­tions des tableaux qui s’enchaînent.
Arrivé aux limites du Para­dis, que Vir­gile n’est pas auto­risé à fran­chir, c’est l’aimée de Dante, Béa­trice Por­ti­nari, qui vien­dra le gui­der à son tour dans ce séjour des Bien­heu­reux, jusqu’au point culmi­nant où réside dans sa triple essence la divi­nité elle-même.
Mais outre un hymne à l’amour mys­tique de Dante pour Béa­trix, La divine Comé­die mêle sur­tout au lugubre par­cours du poète la satire et la ven­geance, l’érudition et le pédan­tisme, la que­relle reli­gieuse et poli­tique (les ten­sions entre les deux grandes forces rivales, les guelfes et les gibe­lins, ali­mentent tout le texte).

Le “poète par­fait” (poeta abso­lu­tis­si­mus), à la fois auteur et et per­son­nage du livre, trouve en la per­sonne de Carlo Ossola un autre guide, plus contem­po­rain, afin de péné­trer plus avant les arcanes de la Com­me­dia, et qui s’appuie sur d’autres béquilles du juge­ment tels Bau­de­laire, Borges ou encore Ezra Pound (pour plus de détails voir la biblio­gra­phie et l’index en fin d’ouvrage ) afin de four­nir les expli­ca­tions atten­dues et utiles sur les réfé­rences mytho­lo­giques, chré­tiennes et his­to­riques essai­mées par Dante. Mais aussi sur les noms cités et toutes les allu­sions des ter­cets en hen­dé­ca­syl­labes dont la pro­gres­sion et la contem­pla­tion du poète sont truf­fées.
La tra­duc­tion (celle de Jac­que­line Ris­set dans la majo­rité des cas) et l’herméneutique étant au centre de la récep­tion du grand oeuvre, Carlo Ossola pro­pose sys­té­ma­ti­que­ment le texte ita­lien ori­gi­naire dès qu’il convoque une cita­tion, autant dire à chaque page et à de mul­tiples reprises. Il cite éga­le­ment chaque fois que néces­saire des sources en latin (mais sans tra­duc­tion) : un prin­cipe d’honnêteté intel­lec­tuelle on ne peut plus hono­rable mais qui com­plique consi­dé­ra­ble­ment la lec­ture de cette intro­duc­tion, certes éclai­rante et ô com­bien syn­thé­tique des cours de “Lec­tura Dan­tis” pro­fes­sés pen­dant trois ans au Col­lège de France, mais que l’on réser­vera pour cette rai­son à ceux qui connaissent déjà le cor­pus dantesque.

fre­de­ric grolleau

Carlo Ossola, Intro­duc­tion à la Divine Comé­die, édi­tions du félin, 2016, 178 p. –20,00 €.

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