Lettre sans mots dire, cérémonie des aveux
Dans ses dessins, Laure Forêt semble suggérer que le jour ne peut finir sans lui. Lui : entendons le « Très cher ». Suffisamment neutre pour que chacun se croit l’élu qui scrute dans l’immense boîte de dessins de l’artiste les « morceaux » qu’elle a choisis pour lui : une jambe avec bas en résille, une hanche qui s’épanche — du moins juste ce qu’il faut.
Tout cela dans la propagation d’un silence suggéré par les surfaces blanches où les portions exhibées créent une étrange musique : chacune d’elle est une note, une lettre d’amour (au « Très cher ») qui ne s’écrit pas.
L’ amour peut-il s’user ? Et le désir ? Nul ne le sait. Laure Forêt montre ce qui du corps croît, mûrit et meurt peut-être. Chaque dessin devient celui d’une rose dont les pétales s’effeuillent avant la nuit. Manière aussi par ces « restes » (qui n’en sont pas) d’honorer la femme de ses bras et autres membres afin de rappeler au commissionné : « Pourquoi ne pourrions-nous pas continuer à nous voir » ?
Plutôt que d’évoquer une vie de couple quelque peu gluante et étouffante existent simplement des rappels, des pense-(pas)bêtes pour signifier au très Cher que la vie peut exister loin de la solitude intégrale. La nudité la remplace.
jean-paul gavard-perret
Laure Forêt, Très cher (2005–2016), Editions Eva Steynen . Deviations, Anvers, 2016.