Par ses dessins, Emelyne Duval aime détourner le réel pour le mettre de manière ironique en évidence et en contradiction avec lui-même. Souvent le phallus est détourné de sa fonction première. Le totem devient le “pré-texte”, la postface et le démembrement (ce qui est un comble) du réel là où le réalisme laisse la main ou le gant au langage. Il existe une ironie flagrante ; néanmoins elle est plus subtilement poétique et pose la question : qu’est-ce que le dessin engage ou dégage ?
Sortant du cadre tout en y demeurant, les êtres semblent en suspension à la fois dans le ciel mais aussi dans le jeu qu’ils induisent entre vérité et mensonge, entre ce qu’ils cachent et dévoilent. Surgissent des instants ratés, des traversées. Ils produisent le procès de l’art et de la réalité entre alliance et mésalliance.
Refusant la véritable défiguration, Emelyne Duval crée une nudité. L’artiste fait jouer la « simplification » afin que jaillisse une invisibilité. Le décalage du graphisme empêche de réduire les formes à leurs apparences et le langage plastique à une monnaie de singe. Chez la créatrice, l’image la plus simple n’est jamais une simple image et la plus belle des déclarations d’amour n’a rien d’une chanson bien douce.
La clarté de la fausse simplicité abrupte, détachée du chatoiement, crée un désir d’espace où par excès ou pudeur sont maîtrisés les fantasmes masculins qui généralement pourrissent les images.
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jean-paul gavard-perret
Emelyne Duval, Coffret, Littérature Mineure, Rouen, 2016 — 25,00 €.