Du féminin au masculin : Innesti de Luigia Riva.
Depuis 2000, Luigia Riva explore avec sa compagnie Inbilico et selon un travail chorégraphique, plastique et sonore une thématique récurrente. Celle du corps morcelé. Il n’est plus perçu comme « Un » mais « multiple ». Les danseurs scénarisés deviennent l’allégorie d’un corps plus collectif au moment même où leur jeu suggère moins une extériorité qu’un grouillement viscéral.
Après Inedito 2 où les corps féminins devenaient le sujet ou l’objet de la partition, avec Innesti ils sont remplacés par des corps masculins « augmentés » et mixés en une danse organique, anatomique. Cinq danseurs dont les membres sont enrichis de muscles et d’organes surdéveloppés jouent des attributs que la culture mondialisante accorde à l’hyper-virilité. A savoir, la puissance, la domination mais en rendant — par excès de greffons — inopérants de tels archétypes. Le Master, le guerrier, le héros sont « empêchés » par tout ce qui est sensé souligner leur surpuissance mais qui devient entraves..
L’histoire de la virilité est déconstruite par des émulsions et excroissances « mâlignes » qui remettent en causes le genre masculin. La chorégraphie revient à une force première, une “naïveté » susceptible de ramener à l’essence de vie sans se soucier des apparences, normes, genres, constructions culturels.
Se devine dans cet univers de formes la présence d’un fantôme ou un ersatz du masculin plus qu’une réelle existence. Assister à cette chorégraphie revient à accomplir un voyage pour que l’oeil entende les déplacements proposés loin de chemins balisés et retrouve le caractère intact d’une émotion première. Chaque corps détruit le caractère sinistre du monde sous l’acidité ou la douceur des fantômes.
jean-paul gavard-perret
Luigia Riva, Innesti, Théâtre National de Chaillot, décembre 2016 (création en septembre 2016 au festival de Biarritz).