L’occasion de découvrir le “Versailles des phares”
Corbeyran adapte un des romans patrimoniaux de Jean-Pierre Alaux paru dans la collection Grands Détectives des Éditions 10/18. Le héros, un épicurien, est le conservateur en chef des Monuments français. Il est donc appelé, à ce titre, à intervenir sur tout ce qui fait la richesse architecturale de l’Hexagone. Dans ses romans, Jean-Pierre Alaux propose, à la fois, une intrigue policière subtile, toute en finesse, une rétrospective des années 1970, une époque proche mais qui semble bien lointaine, et une restitution érudite de l’histoire du monument support du récit, en l’occurrence ici, le phare de Cordouan, le “Versailles des phares”.
Corbeyran se trouve, en tant qu’adaptateur, confronté à une masse d’informations, une densité de matière romanesque où il a dû trancher, couper, choisir pour faire tenir cette histoire dans les 56 pages réglementaires. Ce faisant, il a fait l’impasse sur nombre d’éléments, passant même à la trappe Hélène, l’épouse du héros, un personnage important. Cependant, comme il a un savoir-faire fameux et un incontestable métier, il réussit à mettre en place une histoire qui se tient et agrémentée de son lot de rebondissements et de péripéties et d’une bonne dose d’humour.
En février 1975, un homme nu gît, embroché sur un pieu d’une cabane de pêche au carrelet. Dans le port de Royan, Séraphin Cantarel embarque sans enthousiasme sur une vedette. Il n’a pas le pied marin et voudrait attendre Trélissac, son jeune adjoint. Mais le pilote veut profiter de la marée sinon il sera encore plus difficile, pour son passager, d’arriver à destination. Pendant le voyage, Séraphin s’enquiert des nouvelles du pays. La nuit dernière trois jeunes gens se sont tués en voiture. La personne qui a appelé les secours a voulu rester anonyme.
Au phare, Séraphin est accueilli par Gildas Bargain, le gardien en chef, accompagné d’Elias Quéméret. Il est là pour constater les dégâts occasionnés sur la construction par l’océan. En tant que conservateur en chef des Monuments français, c’est à lui que revient la décision d’entreprendre, ou non, des travaux de restauration. Entre-temps, son adjoint arrive, accompagné d’un commissaire de police. Ce dernier vient pour annoncer à Eliaz, la mort de Killiam, son fils, lui qui a déjà bien du mal à se remettre du décès de son épouse. Killiam devait se marier avec Suzanne, une union désapprouvée par le père, Suzanne étant une fille trop libre à son goût.
Un ex-voto a été volé dans l’église de Talmont, un village proche. Le curé a bien prévenu les policiers, mais avec la mort du jeune homme, ils ont bien d’autres chats à fouetter. Séraphin promet de s’en occuper. C’est à la pension de famille où ils séjournent que les deux envoyés du Ministère apprennent que Suzanne, la fiancée de Killiam a été retrouvée poignardée. Elle était enceinte.
Son instinct d’enquêteur reprend le dessus et aidé de son adjoint, Séraphin se met en chasse du, ou des, assassins.
La mise en images de Michel Suro est efficace, tonique, bien en adéquation avec le récit. Il campe des “gueules” marquantes et façonne une galerie de protagonistes intéressants dans leur représentation. Il restitue magnifiquement ce phare prestigieux. Les décors marins et la tempête qui se déchaîne sur le monument sont remarquables.
Cependant, l’album Avis de tempête sur Cordouan est à réserver à tous ceux qui n’ont pas lu le roman. Pour les autres, déception assurée !
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serge perraud
Corbeyran (scénario), Michel Suro (dessin) & Cyril Saint-Blancat (couleurs), Séraphin Cantarel t. 01 : “Avis de Tempête sur Cordouan”, Delcourt, coll. “Machination”, août 2016, 56 p. – 12,50 €.