Alix Delmas et les baisers : pression et dépression
Avec Alix Delmas, les baisers à sourire ou à pleurer d’émotion, les baisers d’amour à malices, à promesses sont remplacés par des baisers regards à “lire” et à délier autant qu’à relier. Non qu’il s’agisse de baisers-désarrois ou à boire sans soif, d’autant qu’ils sont plus qu’esquissés avant qu’ils soient remplacés par des scénographies moins exquises et qui ne grisent pas forcément.
Plus joués que vraiment éprouvés, ces baisers ne sont pas des corps accords en dépit des apparences. La fièvre n’est pas toujours au rendez-vous. Ils sont peu décapsuleurs de jarretelles en dépit de leur huile d’amende douce. Gloutons au demeurant, ils ne coupent pas forcément le bec. De l’air y passe : pas question de pousser le bouchon. Ces baisers sans être à mère (donc incestueux) ont quelque chose d’amer et peu détrousseurs. Ils se tricotent pour rien ou du moins pour un hymen à blanc plutôt que pour une vie en rose.
On ne sait si les baisers qui se marient le regrettent ensuite, mais dans tous les cas ils ne font pas monter au rideau. Le tout dans des images qui témoignent de la maîtrise d’un processus cinématographique révélateur d’un jeu. Il imite l’expression d’une vérité admise sur la distribution des baisers. Entre photos et sculptures primitives en plâtre blanc, la stratégie semble appeler à la disparition des corps. Si bien que les œuvres deviennent des miroirs grossissants et impitoyables. La joie semble absente. Et la détresse ne commencerait-elle pas à ne plus connaître de vacance ?
Toujours est-il que cela évite les effets de voyeurisme purement émotif. L’art d’Alix Delmas propose un monde en déliquescence. S’éprouvent la fragilité et la ténuité de nos semblables, nos frères. Tout baiser tient par une corde trop légère. Ce qui suppose qu’elle risque de se casser mais on ignore à quel moment. Appelons cela un geste de remise symbolique puisque l’artiste replace l’être dans sa condition en la confrontant à des situations plus abstraites qu’il n’y paraît : l’image n’est plus un combustible à fantasmes.
jean-paul gavard-perret
Alix Delmas, Le Baiser et Persona in Love Stories — Phantomnales 2016, Beauvais, octobre 2016 — février 2017.