Joël Schmidt, La mort des Césars

Leurs morts éclairent leurs vies

Après la mort de Jules César en mars 44 av. J.-C., un second trium­vi­rat voit le jour com­posé d’Octave, son fils adop­tif, de Marc Antoine, son lieu­te­nant, et de Lépide, un pro­con­sul. Il gou­ver­nera jusqu’à 27 av. J.-C. quand Octave aura éli­miné les deux autres et se sera emparé habi­le­ment de tous les pou­voirs avec la béné­dic­tion du Sénat et d’une opi­nion publique plus que las­sée des désordres et guerres civiles. Il se fait nom­mer empe­reur et ouvre ainsi la période connue sous le nom de l’Empire romain, période qui se ter­mi­nera en 476 ap. J.-C. Ils sont, ainsi, soixante-et-onze empe­reurs légi­times à se suc­cé­der sur le trône, plus quelques usur­pa­teurs qui gou­vernent sur des durées très courtes sans avoir le temps, pour cause d’assassinats, de s’imposer ou d’imprimer leur marque à l’Empire.
L’auteur en retient soixante-sept et ouvre son livre avec les der­nières heures de Jules César. Celui-ci, bien qu’il ait porté tous les titres pos­sibles sous la Répu­blique, n’a jamais pu accro­cher celui d’empereur à son bla­son. C’est son fils adop­tif qui, quelques années plus tard, sous le nom d’Auguste, et en hom­mage à son père, pren­dra ce nom et ouvrira ces lignées qui se suc­cèdent jusqu’au moment où le chef bar­bare Odoacre des­ti­tue Romu­lus Augus­tule et fait écla­ter l’Empire. Ce der­nier porte un nom facé­tieux, un clin d’œil de l’histoire, car il a pour pré­nom le nom du fon­da­teur de Rome en 753 av. J.-C. et pour nom celui du fon­da­teur de l’Empire mais un degré en des­sous, Augus­tule signi­fiant « Petit Auguste ».

Pour mou­rir dans son lit, de sa “belle mort” si belle mort il peut y avoir, il ne fai­sait pas bon être empe­reur car, sur les soixante-et-onze, les trois quarts furent assas­si­nés et un bon tiers des autres sont morts en livrant batailles. L’auteur a voulu mettre en scène des êtres vivants. Pour cela, il aban­donne le ton de l’historien, métho­dique, pré­cis, presque froid pour don­ner un peu de chair, bros­ser des por­traits plus humains de ces per­son­nages qui régnaient sur le plus grand empire de l’époque, qui se consi­dé­raient à l’égal des dieux, confron­tés à la mort comme un vul­gaire esclave. Le choc était rude pour cer­tains.
Il fait défi­ler les grandes étapes de leurs vies, les images les plus mar­quantes de leur exis­tence, expli­ci­tant ce qui les conduit au tré­pas. Au moment où approche la mort, où des conju­rés vont mettre un terme à une vie de débauche, de crimes, cer­tains font preuve de cou­rage, d’autres de lâcheté.

L’auteur clôt le texte rela­tif à chaque empe­reur avec une biblio­gra­phie sélec­tive de sources docu­men­taires, de bio­gra­phies et selon les cas d’études et d’ouvrages géné­raux. À tra­vers ces soixante-huit tranches de vie, Joël Schmidt fait revivre l’Empire romain. Avec les sou­ve­nirs de ces maîtres du monde, il brosse un digest pas­sion­nant de cinq siècles de la grande His­toire et réus­sit le tour de force, avec ces situa­tions que l’on pour­rait croire simi­laires, de don­ner une lec­ture cap­ti­vante, telle celle d’un thril­ler. Il pro­pose une façon inno­vante d’écrire l’histoire d’une époque.

serge per­raud

Joël Schmidt, La mort des Césars, Per­rin, sep­tembre 2016, 336 p. – 21,90 €.

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