Jacques Brémond propose à sa manière une recherche sur le palimpseste et la dérive en ce qui tient d’une surface de réparation. Le processus privilégie d’archaïques vaticinations imaginaires loin des concepts à la mode de résilience et d’indignation. Il privilégie à l’inverse des associations du rêve et de l’évidence. En avant les mots face aux maux de l’existence.
Leur résonance se veut un coup de gong en une suite de lallations quasiment orgasmiques à travers — et certains fac-similés inclus — des missives, cartes postales de scripteurs inconnus mais dont le poète remonte et réinvente l’histoire.
A la nostalgie inhérente a priori à un tel propos se superposent d’autres spéculations astucieuses qui l’élargissent et l’aèrent. Ce petit livre devient une suite de ponts qui enjambent le fleuve ou l’océan des vies. Il fait avaler des couleuvres avec délectation. Qu’importe si dans ce livre bourriche les épistoliers couvent des œufs de plâtre. La sagesse devient croquette. C’est aussi un open bar dont le buffet à volonté est moins froid qu’il n’y paraît tant Brémond le réchauffe dans ses entrechocs et ses échappatoires.
jean-paul gavard-perret
Jacques Brémond, Lettres perdues (courriers accidentés), Editions Atelier Vincent Rougier, coll. « Plis Urgents 41 », complément de la collection de la revue « ficelle », 2016.