Par ses photographies, la jeune plasticienne italienne rend vivante les statues et fait des femmes des fleurs afin que nous chérissions de telles usurpatrices dont chaque corps est une réponse inconnue mais sans fin. Débora Barnaba réinvente des cartes du Tendre. Le jeu en vaut la chandelle, s’y éprouvent l’amour de la vie et l’intelligence de l’art. Il ne s’agit pas ici de peindre l’existence mais de rendre vivante la « sculpture » par un érotisme qui devient un essai sur l’offrande.
En donnant consistance à des détails du lieu ou du corps, l’artiste crée des atmosphères. Leur vision est très instructive, et pas seulement du point de vue anatomique : surgissent des questions libidinales et métaphysiques. Des questions sérieuses, en somme — plus sérieuses que nous. L’artiste rend compte, d’un côté, d’une expérience et d’un ensemble d’observations, et de l’autre elle construit un monde qui n’existe nulle part ailleurs que dans ce théâtre. En reconstituant un monde clos sur lui-même, il l’ouvre en même temps.
On ne sait plus qui imprègne qui. Le corps est et n’est pas. Il est en n’étant pas, sinon par morceaux et par ce qui lui échappe et semble veiller sur lui. La photographie l’emporte sur la corporéité. Ce que l’ombre aspirait, attirait la lumière la retourne, colle à la peau provoque un mariage obsédant et surtout un changement de paradigme. Le spectateur peut prendre conscience à la fois de la force et de la vacuité de l’éros dans des contrastes d’une parfaite perfection visuelle.
Chacun reste fasciné par l’exhibition de cette dilution charnelle dans la blancheur d’une lumière presque irréelle. La méthode comporte une légère perversion inaperçue qui en fait tout le charme. Une conquête à peine démêlée, une autre embrouille se dessine.
jean-paul gavard-perret
Débora Barnaba, Exposition, Corridor Elephant, Paris, octobre 2016 et revue Niepce n°3, Paris, 2016.