Patrice Maltaverne mêle toujours le grave au plus léger afin d’accorder au premier un certain effacement. L’auteur ne cherche pas la célébrité littéraire : « Non, décidément, c’est plus rigolo d’être poète qu’écrivain, ce professionnel de la solitude /Et puis, dans nos poèmes, parfois nous collons des romans, mine de rien. Quand je dis que nous sommes de drôles de poètes, c’est tout à fait ça ». Oui, Maltaverne est bien un drôle de poète.
On l’imagine se lever tard pour savourer des œufs mollets et de la confiture à la framboise. Ce n’est pas forcément juste. Il se lève plutôt avant les poules et devient un « hanvélo » cher à Queneau pour vaquer à ses affaires plus ou moins farcesques : les fausses qui nourrissent avant de reprendre la seule qui tienne en vie : à savoir la poésie et sa Traction Brabant (poézine de l’auteur publié par l’association Le Citron Gare).
Si le titre rappelle de vieux outils mécaniques et une « méfiance par rapport à un progrès non mesuré », l’auteur qui — comme chacun de nous — semble né pour être courbé — refuse « d’être plié/ dans un sac/ avant d’être jeté à la mer ». Ne croyant pas à la résurrection il se contente de fesse-toyer quand l’occasion se présente (au besoin il n’hésite pas à la solliciter) et se fie plus aux seins qu’à Dieu.
C’est pourquoi aux idées des grands soirs il préfère les petites. Il opte pour les matins mornes aux paroles grises, broussailleuses, provinciales, passagères comme des cigognes. Bref, c’est un Popeye en manque de pinard mais il n’en fait pas une choucroute ou une quiche lorraine. A chaque jour suffit sa peine. Halte aux discours, oui au poème. Même lorsqu’il s’agit d’ode funèbre puisque le défunt en soi n’est jamais lointain.
Aussi, avant qu’il soit trop tard, le poète ranime la flamme de ceux qui manquent du courage d’être avant même d’avoir été. Ils ne réaliseront pas leur autopsie mais ils en finissent avec l’existentiellement carpette. Comme eux Maltaverne préfère le carpe diem.
Certes, il n’existe pas de cymbales pour saluer un tel poète mais il a mieux à faire. Tir au flanc ou tiramisu qu’importe, il lance ses livres comme des ultima-tomes (peu encombrés de pages et de pensums), au saut du lit comme au saut à la corde.
jean-paul gavard-perret
Patrice Maltaverne, Double séparation, Edition du Contentieux, 2016.