Andrée Philippot-Mathieu et les démonstrations de l’universel : entretien avec l’artiste

Andrée Philippot-Mathieu par la mul­ti­pli­ca­tion des médias et tech­niques (pein­ture, pho­to­gra­phie, sculp­ture, image numé­rique) fait sur­gir l’identité de l’intime comme du col­lec­tif au sein de dia­logues silen­cieux (de moins en moins) et énig­ma­tiques avec les pay­sages, les êtres et le monde. Par exemple, sa série « Ici comme ailleurs » ouvre le champ iden­ti­taire en mon­trant la vie popu­laire dans divers pays : au Caire, à Louxor, en Nubie, à Shan­ghai, à Pékin ou Paris l’épaisseur du réel sur­git loin de l’anecdote.
Par ses por­traits, l’artiste offre la puis­sance du visage entre essor et équi­libre, ten­sion et rete­nue. La série « Citys­capes » est bien dif­fé­rente : à tra­vers des cais­sons lumi­neux et les trai­te­ments info­gra­phiques des images les villes sont trans­for­mées par effet de lumière. Celle-ci devient une qua­lité du temps et de l’espace. Par­fois le rythme de la nuit appa­raît anté­rieur au regard de la lumière. L’Imaginaire force à repen­ser l’image et l’emporte en un ter­ri­toire inconnu loin du simple jeu de miroir. Andrée Philippot-Mathieu pro­pose une révé­la­tion à par­tir de quoi tout pour­rait recom­men­cer. Mais avant cet éven­tuel avè­ne­ment elle crée l’extinction néces­saire à l’apparition d’une lumière inconnue.

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La vie.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils ont guidé ma vie.

A quoi avez-vous renoncé ?
À beau­coup de choses tout au long de mon par­cours, la sécu­rité, des biens maté­riels, des lieux, des amours, la Cata­logne, mais l’essentiel, ma créa­ti­vité, ma pas­sion de l’art et de la vie, est préservé.

D’où venez-vous ?
Je suis issue d’ancêtres épi­cu­riens du sud-ouest par ma mère et d’un démo­crate huma­niste Rhône-alpin par mon père. Ele­vée en Rhône-Alpes, dans la pro­vince fran­çaise, à Vienne, et par des parents assez créa­tifs et sen­sibles à l’art et la culture.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Une grande sen­si­bi­lité, artis­tique entre autres, et une curio­sité intel­lec­tuelle. Un huma­nisme aussi.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Actuel­le­ment l’écriture, sinon mon tra­vail d’artiste. C’est en fait un grand plai­sir quotidien.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Mon indé­pen­dance, mon besoin de soli­tude peut-être, mais je ne sais pas vrai­ment en quoi je suis dif­fé­rente et si je le suis.

Com­ment définiriez-vous votre approche du “pay­sage” ?
J’y cherche et y trouve sou­vent une démons­tra­tion de l’universel.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
De grandes toiles de Dali qui étaient expo­sées ainsi que les Caprices de Goya dans un musée que j’ai vu dans mon enfance.

Et votre pre­mière lec­ture ?
La même année dans ma pré­ado­les­cence, il y eut “Cli­mats” d’André Mau­rois, “La peste” et “l’Etranger” d’Albert Camus, “La méta­mor­phose” de Kafka. Je n’ai jamais oublié, cela m’a ouvert les portes de la lit­té­ra­ture et du monde.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Variées selon ce que je fais. Jazz, voix, Coun­try, Soul, mais j’aime beau­coup le silence.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je ne relis pas en géné­ral, car j’aime décou­vrir, mais je relis de temps en temps quelques pen­sées prises au hasard dans l’oeuvre de Cioran.

Quel film vous fait pleu­rer ?
« Sur la route de Madi­son » me touche, ainsi que d’autres films plus huma­nistes, « Tim­buc­tou », » Singue Sabour » etc, mais je ne suis pas une pleu­reuse. Cepen­dant, je dois avouer que la beauté pure m’émeut, des pas­sages dans des films, danse contem­po­raine etc…Cela peut m’amener à l’émotion véritable.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je ne me recon­nais pas tout à fait, mais je vois une femme cou­ra­geuse et je lis mes com­bats sur mon visage.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À per­sonne, je crois. Si j’en avais vrai­ment eu le désir, je l’aurais fait. J’ai plus de luci­dité que de timidité.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Bar­ce­lone a été cela pour moi, Paris aussi, mais dans les deux cas, pour des rai­sons dif­fé­rentes, le mythe s’est un peu effacé der­rière des réa­li­tés plus dures et concrètes.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Pour les artistes, j’aime par­ti­cu­liè­re­ment l’oeuvre de Bill Viola, éga­le­ment celle de Christo et l’oeuvre de Gor­don Matta-Clarck m’impressionne par son enga­ge­ment. Ainsi que d’autres dont mon tra­vail n’est pas for­cé­ment proche.
La pein­ture a mar­qué mon enfance et ma jeu­nesse et j’étais proche de la figu­ra­tion libre avec laquelle j’ai fait deux expo­si­tions dans les années 80.
Pour les auteurs, Camus, Simone de Beau­voir, Patrick Modiano pour son art de la mémoire.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un voyage, une décou­verte, un dépaysement.

Que défendez-vous ?
Avant tout les notions de res­pon­sa­bi­lité quelles soient dans la sphère pri­vée ou publique. Elles sont la clé de tout et obligent à envi­sa­ger les situa­tions dans la syn­thèse de tous les paramètres.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je ne suis pas d’accord avec cette phrase pleine d’amertume. J’ai tel­le­ment connu l’inverse ! Je pré­fère le moment de grâce, celui de l’échange véri­table, même s’il ne dure pas…

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Je ne réponds oui que lorsque la ques­tion m’y amène avec certitude.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Il y en aurait tant, mais ce ques­tion­naire n’y suf­fi­rait pas…

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 6 octobre 2016.

1 Comment

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One Response to Andrée Philippot-Mathieu et les démonstrations de l’universel : entretien avec l’artiste

  1. DURIF jocelyne

    BONJOUR

    Il m a sem­blé que l’on par­lait de toi à la télé­vi­sion
    je suis allée sur inter­net et je suis tom­bée sur tes divers articles
    je ne sais pas si tu te sou­viens de moi
    mais on se voyait assez sou­vent lorsque vous veniez dans votre mai­son à Jar­din. J’ai gardé tes enfants quelques fois l’été lorsque vous veniez pas­ser vos vacances à
    je vois que tu es deve­nue une artiste
    Bonne conti­nua­tion à toi
    Joce­lyne Durif

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