Corinne Rozotte, Nos vies entières

La force confon­dante des images

Alzhei­mer est le sujet qu’à choisi d’ « ima­ger » la pho­to­graphe Corinne Rozotte. Là où l’extinction de la mémoire est inévi­ta­ble­ment pro­gram­mée, la créa­trice pro­pose sa visi­bi­lité : elle invente des images capables de sug­gé­rer la sup­pres­sion et l’anéantissement du monde.
En une suite de visages, de mots et de choses éparses qui ne semblent plus répondre à ce qui se lais­sait attendre et entendre, oubli, dis­pa­ri­tion, soli­tude se trouvent rete­nus en une logique visuelle capable d’évoquer l’essence de la dis­pa­ri­tion de toute men­ta­li­sa­tion conséquente.

Para­doxa­le­ment, la néga­tion qu’engage une telle mala­die s’exprime par du « néga­tif ». Lequel dégage néan­moins de l’exprimable pur. Les pho­to­gra­phies per­mettent d’engendrer la voix du fond de l’abîme de l’être, le moi dis­sous, le Je fêlé, l’identité per­due, le chaos de l’être.
Bien dif­fé­rentes d’une mime­sis, les pho­to­gra­phies ne pré­tendent plus à la pos­ses­sion car­nas­sière du monde mais à leur contraire. Existe la trans­crip­tion avec des moyens plas­tiques de « ce qui arrive » au moment de l’oubli irré­vo­cable. L’image n’est plus une pous­sée : elle semble se rétrac­ter dans le peu pour sug­gé­rer l’avancée du vide tout en ébran­lant le regard du spec­ta­teur afin qu’il la comprenne.

jean-paul gavard-perret

Corinne Rozotte, Nos vies entières, Cor­ri­dor Ele­phant, Paris, 2016, 80 p.

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