Maria Guta scénarise les femmes avec humour et fantasmagories. Elle s’offre le luxe de jouer avec leur présence en la transformant en “artifice”. Quant à l’homme, il est écarté tel un témoin « off » des prestations de la créatrice. A travers des postures incarnées, la photographie devient la fiction d’une présence qui subtilise le désir des hommes par celui des femmes. Pas question de dérober les pensées de ces dernières mais il s’agit juste de les utiliser en jouant l’extase de la lucidité ou de l’illusion.
Les lumières et les ombres éclairent ou obscurcissent les corps suspendus dans une fixité drôle ou spectrale. Existe ce qui brûle et ruisselle en un retournement la vue pour la nourrir. Maria Guta sait s’attacher à un détail, sans oublier ce qui joue un rôle important dans l’ombre d’un théâtre intérieur dont elle charge les figures.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le soleil, mon copain ou l’irritante sonnerie de mon iPhone.
Que sont devenus vos rêves d’enfants ?
Certains se sont réalisés, d’autres ont viré à 180 degrés, d’autres encore je les ai oubliés.
A quoi avez-vous renoncé ?
A certaines idées préconçues sur la vie, la famille, le travail et l’individu en général telles que je les avais dans la tête en tant qu’enfant eu égard à une éducation plutôt traditionnelle, patriarcale et orthodoxe orientée vers la société et son éducation mais qui était néanmoins en lutte les restes d’un système totalitaire.
D’où venez-vous ?
De Bucarest, Roumanie.
Quel est la première image qui vous frappe ?
Je n’arrive pas à m’en souvenir.
Et votre première lecture ?
« Marry Poppins ».
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Je pense qu’il s’agit de mon expérience personnelle en tant que source d’inspiration.
Où travaillez-vous et comment ?
Pour “mitonner” mes nouveaux projets, la plupart du temps je travaille en Suisse, en face de mon ordinateur ou avec mes collaborateurs du moment. J’aime aussi les trains suisses pour penser et écrire quelques idées. Autrement, je suis très mobile. Et mes projets aussi. Je les crée la plupart du temps en Suisse ou en Roumanie mais ils voyagent. Et moi avec.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je peux dire à personne, écrire à quelqu’un est ce que je fais actuellement quand je n’ose pas l’aborder verbalement.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Cela dépend de mon état d’esprit. Une très large palette de sons. Mais seulement quand je m’assois et travaille. J’aime la musique qui fait qui fait se lever et danser.
Quel livre aimez-vous relire ?
Enfant, je relisais toujours les mêmes livres de contes de fées. Maintenant je ne relis pas réellement de livres. Peut-être parce que je suis arrivée à un point où il existe toujours quelque chose à découvrir. Mon père a une énorme bibliothèque et mes deux parents lisent beaucoup : à part ce que j’achète moi-même, ils m’envoient beaucoup de nouveautés.
Lorsque vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Parfois seulement un reflet de moi-même (ou de ma « persona »), parfois c’est comme si je regardais quelqu’un d’autre.
Que lieu a valeur de mythe pour vous ?
Bucarest, ma ville natale. Elle est énorme comme est massive l’émotion positive que j’éprouve face à elle. Et peut-être Marrakech parce que cela me fait ressentir que je retourne vers le passé ou que je m’insinue dans les pages des « Mille et une nuits ».
De quels artistes vous vous sentez proche ?
C’est une question délicate. J’admire beaucoup d’artistes sans éprouver des relations proches avec eux. Peut-être Cindy Sherman seulement parce que j’aime pratiquer les mêmes jeux qu’elle.
Quel film vous fait pleurer ?
Le premier qui me vient à l’esprit : « Melancholia » de Lars Von Trier.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un set HTC Vive.
Que pensez-vous de la phrase de Lacan “Aimer c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas” ?
Comme je sais comment être chargée d’amour et le faire partager avec quelqu’un que j’aime, je préfère plutôt prendre cette phrase comme une métaphore de l’amour inconditionnel. Bien sûr, cela peut être interprété dans un sens plus pessimiste avec des références aux amours inégales (ce qui est relatif et discutable) ou en considérant que personne n’appartient à quelqu’un (ce que je crois).
Et la phrase de W. Allen “la réponse et oui mais quelle était la question ?”
Avez-vous faim ?
Présentation t entretien réalisés par jean-paul gavard-perret, traduction Lara Gavard-Perret, pour lelitteraire.com le 29 septembre 2016.