Thierry Lentz, Joseph Bonaparte

Etre le frère de Napoléon

De tous les frères de Napo­léon, Joseph est sans doute le plus inté­res­sant à étu­dier, du fait de la proxi­mité unis­sant les deux hommes et des res­pon­sa­bi­li­tés poli­tiques qui ont été les siennes, du trône de Naples à celui de Madrid. Thierry Lentz, qu’on ne pré­sente plus, dresse un por­trait pré­cis et nuancé de l’aîné des Bona­parte que l’on connaît en vérité fort peu.
Homme d’affaires avisé qui ne laisse rien au hasard quand il s’agit d’argent, il embrasse la cause révo­lu­tion­naire et sait se mon­trer bru­tal, que ce soit dans la répres­sion à Tou­lon ou dans celle de la gué­rilla anti-bonapartiste des Napo­li­tains. Mais en même temps, il incar­nera tou­jours un recours pour les cou­rants les plus libé­raux au cas où l’empereur quit­te­rait le pou­voir d’une façon ou d’une autre. De plus, il ne cache pas ses dis­po­si­tions pour des solu­tions paci­fiques aux pro­blèmes inter­na­tio­naux, là où son frère ne réflé­chit qu’en termes militaires.

Devenu sou­ve­rain du royaume de Naples, il y fait preuve de réelles qua­li­tés poli­tiques, ten­tant de conqué­rir les cœurs et les âmes, de réfor­mer son Etat d’adoption afin d’atténuer les rigueurs des répres­sions. Il mène une action iden­tique en Espagne dans une situa­tion beau­coup plus com­plexe et conflic­tuelle. Les com­bats y sont féroces et sans pitié, rap­pe­lant d’ailleurs ceux de Ven­dée.
Mari loin­tain, homme à femmes mais père aimant, il sait se mon­trer dur quand il le faut et même ambi­tieux, notam­ment lors du règle­ment de la ques­tion suc­ces­so­rale à la cou­ronne impé­riale. Il est sur­tout fidèle à son frère à qui il doit tout, fidèle et obéis­sant à des ordres qui se dis­cutent de moins en moins au fil des années. C’est sans doute cela son drame : com­ment échap­per à la tutelle d’un frère auto­ri­taire, fon­da­teur de la dynas­tie, qui conçoit les royaumes de ses frères et sœurs uni­que­ment comme des satel­lites obéis­sant à Paris ? C’est en effet impossible.

A la chute de l’Empire, Joseph s’exile aux Etats-Unis et on le sent presque heu­reux de s’éloigner des fra­cas de l’histoire dans les­quels il entra dans l’ombre du grand homme qui ne le quitta jamais.
Une bio­gra­phie aussi pas­sion­nante que dense.

fre­de­ric le moal

Thierry Lentz, Joseph Bona­parte, Per­rin, août 2016, 717 p. — 27,00 €.

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