Guillaume Basquin, Jean-Jacques Schuhl, Du dandysme en littérature

Evasion, inva­sion

Avec comme racines « Du dan­dysme et de George Brum­mell » et l’article sur le Dan­dysme repris dans « L’art Roman­tique » de Bau­de­laire, le livre de Guillaume Bas­quin sur Jean-Jacques Schuhl per­met de pré­ci­ser le sens du tra­vail de l’écrivain dandy en géné­ral et celui de « Rose Pous­sière » en par­ti­cu­lier. L’auteur le résume par une phrase de Cécile Guil­bert à pro­pos de Debord : « L’oisif n’est pas celui qui ne fait rien, mais celui qui ne fait pas ce que les autres font au même moment et au même endroit ».
Cette for­mule n’explique pas tout le sens du dan­dysme mais lui donne un cadre des plus flat­teurs. Il convient de le rem­plir eu égard aux don­nées poli­tiques, sociales, idéo­lo­giques de l’époque qui recouvre celle de Schuhl donc peu ou prou la nôtre. Par­ler du dan­dysme revient à abor­der la ques­tion d’une image sym­bo­li­sée selon l’essayiste par les Rol­ling Stones. Et Schuhl lui-même de pré­ci­ser que sur et autour d’eux existent « le poli­cier, le tra­vesti, Fran­ke­stein, la dan­seuse, le robot » qui font d’eux les dandy de la contem­po­ra­néité ou ce qu’il appelle encore « l’adolescence élec­trique » sans faire pour autant réfé­rence au « mani­feste élec­trique » de cer­tains poètes (Bul­teau, Sau­treau, Jouf­froy, Buin).

Les idoles Pop que sont les Rol­ling Stones jouent du pour­ris­se­ment de la société qu’à la fois ils singent et mal­mènent dans leur miroir aussi défor­mant qu’en phase avec ceux qui croient s’y recon­naître. Mais ni Mike Jag­ger, ni J.- J. Schuhl ne sont dupes de leurs jeux. Ils s’amusent à pro­duire une neu­tra­lité maxi­male tout en culti­vant une « sin­gu­la­rité du rendu ». Telex n°1 comme Ingrid Caven répondent à cette double pos­tu­la­tion. L’auteur aime à se sen­tir plus ou moins haï par le com­mun des mor­tels et être adulé par des happy few  dont la qua­lité laisse néan­moins beau­coup à dire.
A l’étrangeté érup­tive, à l’attrait vol­ca­nique de l’œuvre répond un retour­ne­ment du sens. Ce fran­chis­se­ment per­met à l’inconscient qui habi­tuel­le­ment ne connaît pas la tra­ver­sée des fron­tières d’être mis en connexion avec ce qui le dérange. L’éternel traître est tout autant flatté que pris à revers. C’est là toute qua­dra­ture du cercle de Schuhl qui se veut autant « estam­pillé ano­ny­me­ment » que reconnu au sein de la repro­duc­tion de la société des spec­tacles. Il cherche ainsi à déce­voir les attentes du lec­teur en culti­vant cer­taines ténèbres mais pour les jeter sur la scène lit­té­raire —  non pour pro­po­ser des odes funé­raires mais faire souf­fler un vent neuf surgi du silence et de la nuit.

jean-paul gavard-perret

Guillaume Bas­quin,  Jean-Jacques Schuhl, Du dan­dysme en lit­té­ra­ture, Edi­tions Honoré Cham­pion, Paris, 2016, 200 p. — 30,00 €.

3 Comments

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3 Responses to Guillaume Basquin, Jean-Jacques Schuhl, Du dandysme en littérature

  1. Guillaume Basquin

    Merci beau­coup pour cette pre­mière lec­ture publique, cher Jean-Paul Gavard-Perret. Et vive lelitteraire.com !

  2. Guillaume Basquin

    Dom­mage que mon “(L)ivre de papier” n’ait pas été chro­ni­qué ici — en bien ou en mal — ; je l’ai envoyé en jan­vier à Beau­so­leil… mais il est tombé dans un trou noir…

  3. Christelle Mercier

    En tant que pre­mière lec­trice et cor­rec­trice de ce manus­crit : merci ! Je pense que, même sous la forme appa­rente d’un “essai”, c’est aussi un très beau livre d’artiste… Inch’Allah ?!…

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