Ce polar lève une partie du voile sur l’univers de la presse people. C’est un monde que l’auteur connaît bien puisqu’il participe depuis plus de quinze ans au journal Voici.
Tout commence lorsque Baptiste Jourdain découvre dans les toilettes de Scoop, le journal people où il travaille, Pascal Doumantier égorgé. Traumatisé par la vue du cadavre, il a du mal à donner l’alerte. Dans un état second, il est interrogé par une policière en tant que premier témoin. Elle lui apprend que personne n’a quitté l’immeuble depuis plus de deux heures, ni les locaux du journal. Donc, l’assassin est toujours dans les lieux. Elle lui donne la liste des personnes présentes dans la rédaction lui demandant qui aurait pu en vouloir à Pascal, au point de le tuer. Toutefois, Baptiste fait un coupable idéal car, adjoint de Pascal, il va sans doute récupérer son job, son bureau et… son salaire.
Le lendemain, la commissaire le fait appeler trouvant qu’il collabore bien. Baptiste, de son côté est énervé de savoir que : « …le mec qui avait tué Pascal courrait dans la nature. ». Et la véritable image de Pascal émerge. Il aimait la drogue même s’il n’en prenait pas au bureau. Un appel d’un informateur qui réclame son dû attire l’attention de Baptiste sur le fait que Pascal : « …faisait des trucs chelous. Très très cheloux. » Baptiste commence une liaison « professionnelle » et sentimentale avec la belle commissaire, Isabelle de son prénom, et remonte des pistes peu reluisantes jusqu’à tomber, lui-même, dans les rets de la Grande Cordélia, la légende de la presse people, une liaison très très dangereuse…
Yann Le Poulichet détaille le fonctionnement d’un tel journal, la pêche aux informations, aux scoops, le travail des informateurs, des paparazzis, de tous ceux qui fréquentent, de près ou de moins près cet univers clinquant, factice où il faut être en pleine lumière pour exister. Cependant, s’il soulève quelque peu le voile sur les pratiques de ces rédactions, il ne révèle pas la réalité dans son intégralité. Il décrit avec minutie, et beaucoup d’humour, les rapports entre les différents intervenants dans la vie de la presse, le fonctionnement de la Rédaction, les rapports entre les uns et les autres, les jalousies, les conflits, les inimitiés, les histoires de fesses et de coucheries. Bien que cette partie se retrouve dans tous les lieux où travaillent des femmes et des hommes, ces derniers passant une large part de leur existence à essayer d’aller jeter leur sperme au fond d’un vagin. Il dévoile aussi quelques magouilles entre journalistes et informateurs, les indélicatesses de ceux-ci, celles des paparazzis.
Le romancier concocte une intrigue intéressante mais qui passe presque au second plan face au parcours du personnage (lequel doit avoir a un truc, ou une collection de vies envoyées par ses amis, parce que faire une trentaine d’essais sur Candy crush en une soirée relève de l’exploit !), à ses rapports avec la commissaire et au récit du fonctionnement de cet univers à la fois étincelant et glauque. Il affiche toutefois une certaine distanciation de ses personnages par rapport à leur job, la plupart étant là sans l’avoir vraiment voulu. Ils cachent, sous un ton désabusé, leur appartenance à cette presse mettant en avant l’intérêt financier. Le Poulichet utilise une écriture très “parlée”, très premier degré, et un humour très présent tout au long du récit.
#Scoop est un livre très plaisant à parcourir par une drôlerie colorée de touches de cynisme et de perfidie, un style enlevé et tous les ingrédients qui concourent à un agréable moment de lecture, une approche de l’envers du décor de la presse people.
serge perraud
Yann Le Poulichet, #Scoop, Editions Le Masque, mars 2016, 288 p. – 19,00 €.