Fabio Deronzier et les deux faces du sublime : entretien avec l’artiste

Les pein­tures et les pho­to­graphes de Fabio Deron­zier font éprou­ver la réa­lité sous une forme de fic­tions bien dif­fé­rentes les unes des autres. D’un coté (la pein­ture) un roman­tisme assumé, de l’autre une sau­va­ge­rie, pri­mi­tive à l’érotisme qui dit l’indicible d’un monde pre­mier au sein d’une théâ­tra­lité des per­son­nages qui répond à celle beau­coup plus océa­nique des pein­tures plus nor­diques que des suds.

Chaque image devient un lieu sobre­ment lyrique en ses élan­ce­ments qui pro­duit un ren­ver­se­ment : ce qui est matière perd en den­sité, ce qui est de l’ordre de l’impalpable devient matière. Le regar­deur se retrouve aux sources d’une scène dont la puis­sance convoque à la médi­ta­tion sur le feu intérieur.

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le début d’une jour­née m’importe peu, la chute beau­coup plus.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils sont res­tés des rêves d’enfant.

A quoi avez-vous renoncé ?
À l’ennui.

D’où venez-vous ?
D’origine ita­lienne, je suis né a Paris et vis à Nice.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
La chance de croire que rien n’est impos­sible et l’énergie pour tout réaliser.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Végé­ter pen­dant des heures à la ter­rasse d’un café.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
On ne me les a pas tous pré­sen­tés donc je ne sais pas.

Com­ment définiriez-vous votre approche dif­fé­rente de la pein­ture et de la pho­to­gra­phie ?
Je tra­vaille uni­que­ment par le biais de l’émotion, mes émo­tions. Je me sens dans la lignée des Roman­tiques du XIXème siècle. Je recherche l’évasion, le sublime. Mon acte de créa­tion se rap­proche d’un cau­che­mar sen­sible et pas­sionné. Mon besoin de peindre est géné­ra­le­ment un acte ter­ri­ble­ment sombre.
En revanche, dans la pho­to­gra­phie, je recherche le mor­bide pour qu’il devienne un sublime déchu. La cri­tique de la réa­lité me pousse à trans­for­mer ces corps nus en désen­chan­te­ment. Les corps dans mon oeuvre pho­to­gra­phique sont asexués, il ne sont que chair, toile de fond. Ils sont en ruines, désar­més. Ils en res­sortent puis­sants.
Je ne cherche pas a dénon­cer, je veux créer l’émotion grâce à la mise en scène. Je ne me consi­dère en rien comme un pho­to­graphe. Je fige une mise en scène. À la fin de la prise d’image, l’oeuvre est ter­mi­née et détruite. Seule reste la pho­to­gra­phie. Je sens cette oeuvre plus proche d’une per­for­mance captée.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Les yeux de ma mère.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Avoir lu ce qui n’a pas pu être écrit.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Bien évi­de­ment, la dou­ceur fanée de Chet Baker.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Jour­nal d’un génie » de Sal­va­dor Domingo Felipe Jacinto Dalí.

Quel film vous fait pleu­rer ?
La liste serait trop longue.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Moi, Fabio, seul, enca­dré par les bords rugueux d’un miroir bien trop grand. Je ne vois rien, j’observe, je juge, et je plonge dans ces yeux qui sont les miens.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’écris lorsque je n’ose pas parler.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Mon atelier.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Les désemparés

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Du temps. Il n’y en a pas assez.

Que défendez-vous ?
L’indéfendable.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Je ne veux pas com­prendre l’Amour. Je veux m’enivrer de sen­ti­ments. Je veux être déçu puis heu­reux, puis déçu, puis heu­reux, puis…

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ? »
De quelle phrase voulez-vous par­ler ? Dans tous les cas, j’en pense beau­coup de bien.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Si j’allais bien.

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 18 sep­tembre 2016.

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