Isabelle Baladine Howald, Hantômes

Ou la syn­taxe de la mort

On ne gué­rit pas du temps car on ne gué­rit pas de la vie. On ne gué­rit pas de ses parents ni même ses amours. Il vient même une période où l’on constate que la dou­leur est une foire et la mort pas seule­ment un tic d’adolescent. On com­prend alors que cette hau­teur qu’affiche le tré­pas dis­si­mule mal le piètre mys­tère de sa pâmoi­son puisque, dès notre nais­sance, la perte de conscience a com­mencé non par choix mais par la force des choses.
Certes, l’indescriptible nous rend soli­daires mais aussi soli­taires comme on ne l’a jamais été. Existe cepen­dant par l’absence une com­mu­nion exem­plaire. Elle est la déme­sure qui per­met de déduire une “loi”. L’être y est dévasté car il ne peut s’estimer qu’à l’aune du néant. C’est pour­quoi Isa­belle Bal­dine Howald n’a cesse de rap­pe­ler qu’”on” nous a offert le des­tin ou plu­tôt que nous le subis­sons et celle dont la médi­ta­tion est sans limite sait qu’il ne faut s’attendre a aucun gain des cir­cons­tances d’une telle expé­rience. A ce titre et au fil du temps, le blanc enva­hit le poème : « j’ai la neige dans la bouche » écrit l’auteure et ce qui reste de mots se grève de tirets qui deviennent un des signes de la « syn­taxe de la mort ».

Tout s’écrit sur le registre de la perte. Et la marge de manœuvre est mince. La pen­sée “claire” remonte à une nuit per­son­nelle. Au tré­fonds de nous, elle ignore jusqu’à son phé­no­mène et sa mani­fes­ta­tion. Il y a donc en elle un réqui­si­toire qui joue en faveur de l’horreur ou un sacer­doce. La conscience que nous pos­sé­dons de nous-mêmes ne sert au mieux qu’à pré­ci­ser les traits de notre incer­ti­tude à notre propre égard. Et Isa­belle Bala­dine Howald rap­pelle que seules une incon­sé­quence et une incon­sis­tance de la rai­son poussent à oser pro­cla­mer l’existence incom­pa­rable de l’unité.
Quant au reste, il ne conserve que l’épaisseur d’une hal­lu­ci­na­tion. Vivre n’attend pas la confir­ma­tion d’un miroir (de l’autre ?) et c’est la mort que l’on célèbre lorsqu’on croit avoir saisi le mot juste et même s’il n’est pas contraire au bon goût de vivre sans métaphores.

jean-paul gavard-perret

Isa­belle Bala­dine Howald, Han­tômes, Edi­tions Isa­belle Sau­vage, 2016, 64 p. — 13,00 €.

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