Les photographies à quatre mains de Marianne et Sabrina (aka Anna Bambou) lancent leurs flèches (jamais mortelles) entre le vide et l’évidence. Il y a des jambes sous leurs bas noirs. Tout est en retenue mais vibre. La beauté devient le plus précieux des savoirs. Le silence passe par le chant des images. L’immobilité saisie est la résultante de tous les dépôts de vagues successives. Elles créent un rayonnement subtil par un lent travail d’approches et de scénarisations. Il s’agit de dégager des constantes, de laisser des traces visibles et invisibles. Le corps s’ouvre et se referme. La femme s’expose comme énigme. Elle se montre, se cache. S’offre ou se pense. Une pulsation reste ce qui jaillit du plus profond mangé d’ombres. Les deux créatrices les éclairent ou les brouillent pour la sensation, l’émotion, le désir (toujours suggéré à distance).
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Marianne : La sonnerie du réveil.
Sabrina : La curiosité du jour et de la nuit qui arrivent.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Marianne : Je travaille encore pour les réaliser, je voulais faire de la musique ou écrire des pièces de théâtre… Mettre des pièces de théâtre en musique, faire un film. Bien sûr, d’autres rêves ont vu le jour entretemps.
Sabrina : J’essaie d’en réaliser quelques uns mais ils ne sont plus tout à fait les mêmes.
A quoi avez-vous renoncé ?
Marianne : À la sagesse, à la prudence. À me conformer à ce que l’on attendait de moi.
Sabrina : J’ai choisi une vie en dehors de beaucoup de “normes”.
D’où venez-vous ?
Marianne : Je viens d’une ville qui s’appelle Martigues.
Sabrina : De Lyon, en fait d’un village dans l’Isère mais dire “Je viens de Lyon” quand on n’en vient pas tout à fait ça fait snob et j’aime bien.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Marianne : Probablement une hypersensibilité et une empathie à toute épreuve.
Sabrina : La chance de pouvoir faire des images, raconter des histoires.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Marianne : Quelques accords sur ma guitare.
Sabrina : Écouter de la musique, découvrir de nouvelles chansons.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Marianne : Je ne sais pas, peut-être le fait de travailler comme un groupe de rock en duo mais dans la photo.
Sabrina : Je ne sais pas, on est tous très singulier je crois.
Comment définiriez-vous votre approche du féminin ?
Marianne : Avec douceur, sensibilité et compréhension.
Sabrina: J’aime raconter l’histoire d’une femme et imaginer qu’elle puisse être universelle. Que d’autres femmes puissent se projeter dans ce féminin là, c’est magnifique.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Marianne : La série des Cathédrales de Rouen de Monet.
Sabrina : Une publicité pour Lolita Lempika dans un magazine, je voulais savoir comment on pouvait faire “ça”, une fille dans une belle robe sur un tapis de fleurs.
Et votre première lecture ?
Marianne : « Le mystère de la chambre jaune » de Gaston Leroux.
Sabrina : Sans doute des contes.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Marianne : Pour faire dans la généralité, tout ce qui me permet de ressentir des émotions. Pour être plus précise, j’aime la musique electro. Qu’elle soit des années 70 ou de nos jours, comme Chromatics, Jabberwocky et tant d’autres.
J’aime aussi quelques auteurs compositeurs français tels que Miossec, Vincent Delerm ou Alex Beaupain sans oublier Gainsbourg et Bashung (et bien d’autres), des auteurs qui ont des textes qui font écho chez moi. Et le blues aussi, et le jazz aussi et les Beatles !
Sabrina : Gainsbourg, Bashung et beaucoup de chanson française, les Beatles et la musique des années 60–70, le jazz de Billie Holiday, Chet Baker, Etta James et tant d’autres, plus récemment de la musique latine.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Marianne : « 1984 » d’Orwell.
Sabrina : Les livres de Marguerite Duras.
Quel film vous fait pleurer ?
Marianne : Le dernier que j’ai vu, “Carol” réalisé par Todd Haynes.
Sabrina : Une série, « Six Feet Under ».
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Marianne : Quelqu’un qui essaie de faire de son mieux.
Sabrina : Ça dépend des jours, aujourd’hui je vois quelqu’un qui a l’air fatigué.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Marianne : Eh bien, je n’oserai jamais l’écrire ici non plus !
Sabrina : A ceux que j’admire le plus, des artistes qui ont pu être comme des guides, qui le sont encore.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Marianne : C’est assez banal mais je dirais Paris.
Sabrina : Paris est la plus mythique pour moi, avec tout ce que l’on dit d’elle, ce que l’on imagine, si elle était une femme elle serait un fantasme.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Marianne : Tous les musiciens qui ont un jour fait un album concept.
Sabrina : Je ne sais pas si je m’en sens proches, mais Sarah Moon, Sophie Calle, Coco Chanel sont des artistes que j’admire. Il y en a tant.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Marianne : Recevoir mes amis à la maison pour passer du temps ensemble.
Sabrina : Paris la nuit, pour la vie.
Que défendez-vous ?
Marianne : Les femmes.
Sabrina : La liberté. L’amour.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Marianne : Beaucoup trop pessimiste pour moi.
Sabrina : J’ai toujours beaucoup de mal à comprendre la philosophie psychanalytique.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Marianne : Ah !! L’humour de Woody Allen !!!
Sabrina : En tant qu’être humain, on écoute souvent plus nos propres réponses que les questions qu’on nous pose.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Marianne : Quelles sont vos manies ?
Sabrina : Comment allez-vous ?
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 17 septembre 2016.