Présence Panchounette, Troisième exposition souvenir (exposition)

La chasse aux sorciers

Elevant l’art dans l’ordre d’un cer­tain Grand-Guignol, Pré­sence Pan­chou­nette se sai­sis­sait de divers types d’icônes pour désor­don­ner leurs accords et désac­cords à l’aide de reprises chocs dont l’esbroufe est signi­fiante. Tout ce qui pour­rait paraître fan­tasque prend une nature dia­mé­tra­le­ment oppo­sée. Actif de 1969 à 1990, le groupe bor­de­lais à géo­mé­trie variable  fut un col­lec­tif dont le but était de mettre à mal l’art avec « le déses­poir du dilet­tan­tisme, la fleur de la vul­ga­rité, un baroque rachi­tique, un rasoir fluo­res­cent, une déné­ga­tion dis­tin­guée, une pro­vo­ca­tion sou­ter­raine, une paresse qui enfle. » Le tout avec style dans un esprit « situa­tion­nistes néo-platoniciens ».

Ce nou­vel ensemble résonne comme un hom­mage trans­gres­sif à cer­taines figures his­to­riques de l’art. Pour Pré­sence Pan­chou­nette, le but n’était pas sim­ple­ment de leur « piquer le cul » mais de rebon­dir sur les œuvres pour en biai­ser le sens par pas­tiche ou détour­ne­ment. Avec empa­thie et déri­sion, fré­né­sie et liesse les artistes infiltrent les images . Tout est ins­piré de pro­blé­ma­tiques esthé­tiques comme d’une réflexion sur l’appropriation post-surréaliste d’objets eth­no­gra­phiques ou artistiques.Les pro­duc­tions inclu­sives et alié­nantes d’objets esthé­tiques — jadis dis­si­dents mais trans­for­més en images stan­dar­di­sés — sortent de leur urne funéraire.

Des ex-voto sur­gissent dans un parc d’attraction. Une dia­lec­tique y est pré­sen­tée de manière ludique et prouve com­ment le cycle de l’aliénation est lié au le cycle artis­tique. La repré­sen­ta­tion se dégage d’un sys­tème dynas­tique et ter­ri­to­rial qui est aussi prin­cipe idéo­lo­gique. Les plas­ti­ciens ont donc tenté de pro­po­ser des « véri­tés approxi­ma­tives » qui tordent les litur­gies artis­tiques.
Sou­vent Pré­sence Pan­chou­nette fus­ti­geait l’art à coup de tracts, lettres irré­vé­ren­cieuses. Ici les inter­ven­tions lou­foques prennent une autre dimen­sion. S’infiltrant en par­faits auto­di­dactes dans le champ de l’art et sa mar­chan­di­sa­tion, elles ont empilé leurs pon­cifs avec un goût pro­noncé pour le motif, le popu­laire, le ver­na­cu­laire et le bon mar­ché :  l’art popu­laire occupe une place cen­trale dans le débat sur l’aliénation de la société.

Ce débat était lié pour le groupe à l’évolution des men­ta­li­tés, des tech­niques mais aussi à la concep­tion de l’art, du réel. « Pré­sence Pan­chou­nette » prouva que l’homme est un ani­mal sym­bo­lique : il vit le pré­sent en fonc­tion d’un ailleurs, donc il peut repré­sen­ter des choses absentes par le masque, l’invocation des esprits, le dia­logue avec les gens qui ne sont plus là, l’apparition des ombres et des lumières liées à la condi­tion humaine. Mais entre la forme artis­tique qui en joue et l’aliénation qui la vit, le pas est immense. C’est pour­quoi les artistes défen­daient les valeurs d’un art « appau­vri » à tous les sens du terme pour faire avan­cer les idées et lut­ter contre l’endogamie artistique.

jean-paul gavard-perret

Pré­sence Pan­chou­nette, Troi­sième expo­si­tion sou­ve­nir, gale­rie Sémiose, Paris, 3 sep­tembre au 8 octobre 2016.

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