Enlever son soutien-gorge en fin de journée, enfiler son jean après s’être épilée, ou manger directement de la glace dans le pot tout en se donnant du mal pour maigrir ne suffit pas toujours pour donner à la femme sa charge de liberté et de vie. Claire Courdavault, Émilie Moutsis, Madeleine Froment le prouvent. Comme on peut s’en douter, à la triangulation constituée par ces trois artistes répond la forme référence du sexe féminin. Six mains bétonnent ou plutôt caressent un autoportrait du « bas » paradoxalement sublimé au sein de la reprise d’elles-mêmes par les femmes. Trois univers visuels très marqués sont chargés d’une pratique lourde d’histoire et de symboles. Mais chaque œuvre est moins un faire-part qu’un faire-corps au sein d’une révolte fantaisiste contre la honte, l’incompréhension dans lesquelles les fées du logis sont confises dès les paradis verdâtres des amours enfantines.
Parfois dans une certaine froidure (mais qui scintille), les artistes remplacent l’objet « déconnu » (Burri) pour le revendiquer. Elles le sortent de la nuit lunaire où toute une mythologie historique relègue le féminin. Se révèle une grâce face au passif d’une chair dont l’homme jouit mais qu’il cherche à culpabiliser. Un flux plastique se libère sans dérives vertigineuses ou exaltées.
Le triangle n’est plus la machine obscène. Celle-ci sort de l’état d’épave affective dans lequel l’éducation sentimentale des femmes l’a si longtemps reléguée.
Le combat n’est plus la revendication d’une pure âme mais celle d’une nature sexuelle cachée jusque dans les poupées de l’enfance. La femme s’origine au nom d’une conception absolue de qui elle est. Existent moins la recherche d’un sabbat qu’une défense et un exorcisme.
Le triple travail permet de passer de la parodie, du désaveu, de la nostalgie à une reconnaissance et un supplément d’être qui n’est pas facile à atteindre tant « la vraie vie » dont parlait Rimbaud fut jusque là « absente » au nom des ordres et des re-pères. D’où l’importance de l’isocèle ou de l’équilatéral dessiné par les trois géomètres.
jean-paul gavard-perret
Claire Courdavault, Émilie Moutsis & Madeleine Froment, Ce triangle oublié, Galerie Oblique, Paris, à partir du 2 au 11 septembre 2016.