Un magnifique florilège de talents littéraires
Ce troisième recueil des nouvelles de Pierre Bordage, parus à L’Atalante, comporte seize textes dont quatre inédits. Les autres sont parus dans des anthologies thématiques, des journaux et des magazines comme Télérama et Libération.
Dans ces textes, l’auteur aborde des sujets d’actualité, d’une brûlante actualité, qu’il déporte dans un futur plus ou moins lointain. Il traite, également, de thèmes chers à la Science-Fiction, à l’Anticipation ou au Fantastique, comme le voyage dans le temps, interplanétaire, des extraterrestres et du Petit Peuple. Mais il les associe toujours, de façon adroite, à une problématique d’aujourd’hui, à une réflexion sur l’Humanité, sur le fonctionnement de notre société.
Parmi les sujets qui concernent directement l’avenir de l’Homme, il revient sur les mutations climatiques et l’évolution possible de la vie sur Terre. Il signe, par exemple, deux nouvelles (Terre promise et L’enfant et l’amer) qui traitent de terres submergées, de migrants écologiques. Elles se répondent, l’une mettant en scène ceux qui fuient des catastrophes, qui cherchent un nouvel endroit pour s’installer et l’autre ceux qui doivent empêcher ces invasions de migrants. Il évoque les conséquences de progressions, de dangers comme le nucléaire et sa gestion mal maîtrisée. Il revient, avec humour, sur des problématiques entre les peuples, des rencontres improbables, des situations exceptionnelles, des migrations vers de nouvelles planètes, sur des assassins qui se repentissent.
En toile de fond, il laisse deviner son inquiétude face à l’intransigeance des fanatismes, à ces religieux aux mobiles plus que troubles sous couvert de vouloir un monde en harmonie avec des règles totalement désuètes. Il dénonce les guerres comme une obligation, comme une malédiction de la nature humaine. Il traite du voyage temporel dans Hier je vous donnerai de mes nouvelles, texte qui donne son titre au recueil, où il met en scène un voyageur temporel qui arrive à l’inverse de celui de René Barjavel dans Le Voyageur imprudent.
Vertiges, qui sert de prologue, permet au romancier une variation sur la réelle littérature, s’interrogeant et interrogeant ses lecteurs sur ce qu’est la “vraie” littérature. Est-ce le récit d’aventures épiques comme contés par Homère ou une introspection nombriliste et ennuyeuse?
Tous ces textes, écrits avec humanité, mettent en valeur des sentiments nobles. Ils sont servis par une écriture fluide, agréable à lire tant les propos s’enchaînent avec naturel, un vocabulaire relevé, une capacité de création, un esprit affûté à l’écoute du monde, des hommes, de leur possible évolution. L’auteur garde même un reste d’optimisme comme le montre la conclusion de La petite fille au regard perçant.
L’éditeur, féru de science-fiction, l’applique à son quotidien. En effet, il offre L’enfant et l’amer qui paraîtra dans le futur, certes proche, puisque les lecteurs de Libération ne la découvriront que dans le numéro du 26 novembre 2016.
Ce recueil, florilège des textes d’une grande beauté, d’une grande intensité, montre encore un fois l’incomparable talent de Pierre Bordage. Un livre à ne pas manquer.
serge perraud
Pierre Bordage, Hier je vous donnerai de mes nouvelles, L’Atalante, coll. “La Dentelle du cygne”, juin 2016, 256 p. – 14,50 €.