Le dynamisme vital d’un créateur de l’effacement
Si un ange de l’art tira Geer van Velde par les pieds, le démon de la peinture attrapa son frère par les épaules. Bram comprit que ce n’était plus l’extase du vide qui guérissait de la maladie du temps. Et qu’importe si la fusion dans le réel n’était pas au rendez-vous. Restent des chutes de neige étrange, des fleurs abstraites nées de l’espace, des ondées de grâce qui séduisirent Charles Juliet.
On voulut dans son enfance lui retirer la langue : les frères Van Velde lui permirent de la tirer comme l’escargot sort les cornes portant sa coquille. Bien avant, les frères glissaient — carpes grises dans le bocal sur un buffet. Ils avaient beau ouvrir la bouche ; ils ne laissaient rien entendre. Ce rien monta à la surface des toiles où les bulles crevaient. Bram allait ouvrir l’abstraction à d’autres perspectives et transfigura la figuration. Ils ignoraient pourquoi les autres ne le comprenaient pas. Il y eut pourtant de brillantes exceptions : Beckett d’abord et Juliet. Certains pensaient qu’il y avait derrière Bram Velde quelqu’un qui tirait les rideaux, les ficelles. Mais il n’eut besoin de personne. Cela les confortait dans une étrangeté. C’est pourquoi à Juliet il accepta de donner des explications, de déplier des raisons.
Toutefois elles s’emboîtaient sans que puisse se saisir le fonctionnement de telles oeuvres. Les ombres y disparurent comme un sirop très longtemps bouilli jusqu’à ce que sa surface se ride de brillants. Mais pendant un temps il n’y eut pas de réponse. Puis il y eut encore un peu d’eau vive. Un peu d’eau contre les larmes et pour la vie. Et Juliet aurait pu affirmer comme la femme de Bram « je vous dois de voir ».
Dans ses entretiens, Juliet fit entrer les œuvres par la plus grande des portes : celle de l’émotion et de l’intelligence. Et le peintre y rappelle que, là où d’autres à sa place auraient perdu le fil ou pris la poudre d’escampette, il se mit à peindre de plus en plus grand. Il a marché dans la nuit comme Tintin sur la lune. Car ils possédaient tous deux un bon sens de l’obscurité. Cela à un nom : l’art. L’image s’y déplie puis se perd pour que la peinture soit vaincue et la problématique humaine découverte. D’où ce « mirlitonisme » capable de toucher positivement au négatif et au néant dans le bondissement innombrable de mondes conjoints et opposés.
L’émotion primitive fonctionne un dynamisme qu’on appellera, faute de mieux, vital. Il se rencontre rarement chez les créateurs de l’effacement. Il existe chez Bram et Juliet le comprit.
jean-paul gavard-perret
Charles Juliet, Rencontre avec Bram Van Velde, P.O.L Editeur, coll. Format Poche, 2016.
Oui monsieur JPGP la grande porte de l ‘émotion conjuguée à l’intelligence fut déterminante pour Charles Juliet . Mais n’oublions pas la grande détresse de ce dernier où la démarche quasi mystique de Bram Van Velde ne pouvait que l’extraire de ses années noires .
C’est vrai. Ni oublier son lien à Beckett. Ils furent selon J; Kober séparés “par les femmes”. Mon amitié.
Venant d etre informe de … la sortie de ce livre…je m enpresse de l acquerir.…j jevais me regaler .….bram van velde et son art.…quelle merveille.…..cordialement.….yb…
Venant d apprendre la sortie de ce livre.….quel bonheur .…je vais me regaler sur l art de bram van velde.….je vais l acquerir ce jour.…cordialement.…