Catherine Dessales, Cyclope

Après

Sous-titré « Le livre de la mort et de la merde », ce livre est un chant macabre, un cri d’amour. Depuis, l’auteure s’est tue comme s’il n’y avait plus rien à dire, à ajou­ter. De ce livre les lec­teurs reçoivent les bour­rasques sur la ter­rasse d’un bar du Déses­poir. Un dés­in­té­rêt vital s’est emparé de l’auteure. Ne res­tent que des larmes. Le corps lui-même, bien en avers de l’âme, ne cherche plus sa source et se voue à l’inconnaissable. Voilà com­ment la vie recule et pour­quoi l’auteure ne bouge pas. Elle ne demande aucune grâce, se dédie à sa souf­france. L’imaginaire ne suit plus son cours. « Love in vain » chan­taient les Rol­ling Stones. Et ensuite, silence dans le silence. La tra­ver­sée des épreuves ne laisse pas indemne. On peut en mou­rir. Aussi.

Rien ne sert de cou­rir là où jusqu’à la nos­tal­gie n’a plus de prise sur l’auteure. La tête s’ouvre moins à une absence de pen­sée que sa matière même. Pen­sée de merde pour ainsi dire. Quand on est dedans, ça paraît inter­mi­nable. Et l’écriture ouvre encore les vannes à coup de for­ceps. Ce qu’il y a à entendre, c’est le dire de l’impensable. Pas besoin d’épiloguer. Ne sub­siste que l’aspiration du néant qui entraîne l’épreuve du temps.
Reste à aller vers l’extinction des mots, pas à pas, peu à peu. La langue défaite retourne à sa boue, se referme. Avant : heure après heure se rap­pe­ler. Com­ment c’était. Avant. Jusqu’à ce que fina­le­ment assez. Tenir là. Se dépouiller. Des corps : celui du dis­paru, celui de celle qui reste. Le pre­mier étant pré­sent en toutes choses, le silence est son dé-lié. Ainsi peut-il se dire absolu. Il accom­pagne celle qui veille vers le cou­chant. Il sait fina­le­ment sur elle infi­ni­ment plus qu’elle peut en connaître. Il est fermé par les sept sceaux de l’Apocalypse dont per­sonne n’est le gar­dien. L’excès de parole n’est jamais qu’une révolte contre le déta­che­ment du silence.

jean-paul gavard-perret

Cathe­rine Des­sales, Cyclope, Jean-Pierre Huguet édi­teur, coll. Noir­ceurs océanes, St Julien Molin Molette, 2016, 120 p.

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