Soixante ans après le suicide de Nicolas de Staël (ci-contre), Silvaine Arabo permet de rentrer dans la vibration de sa peinture. La poétesse a choisi pour cet hommage ce qu’elle nomme « la méthode impressionniste ». Le texte est constitué de vignettes. Elles font remonter quelques épisodes de la vie de Kolia (abréviation de Nicolas en Russe).
Sans vouloir mettre de l’ordre, Silvaine Arabo entre dans l’intouchable que la peinture montre entre cathédrale, nus ou footballeurs. De la misère (« Pour se chauffer / couper du bois : / arbres et portes / Tout y passe ») à une certaine gloire grâce à la galeriste Jeanne Bûcher à Paris puis Paul Rosenberg à New York, le texte donne une trajectoire fulgurante. .
Restent le miroitement perpétuel des couleurs, la persistance de leur fleuve qui enfle, déborde. Jusqu’au « Concert » — dernière toile de l’artiste — où la forme suffit lorsque la force vitaliste s’éteint après la série de nus du dernier amour. La poétesse évoque « éclats fiévreux / couleurs jaillissantes / alchimie de l’espace / et du temps » des aquarelles espagnoles jusqu’à l’épreuve de la solitude de (presque) toujours : « l’être et la peinture / l’être de la peinture » jusqu’à l’épuisement qui entrave les manœuvres derrière.
L’auteure soulève bien des traces par ses poèmes. Lesquels bornent les sentiers de l’artiste, coupant à travers champs au besoin Ou à travers les terres arides quand l’artiste du Nord, saisi par les Sud et leurs lumières finit par se brûler — quoique encore éloigné (apparemment) « de l’éclaboussure de la mort ». Mais de Staël, l’orphelin de tout et de toujours, rejoignait déjà « la longue cohorte des artistes foudroyés ». Van Gogh entre autres. A son propos, rappelle Silvaine Arabo, l’artiste demandait dès 1935 « Pourquoi s’est-il suicidé ? ». L’écho de son geste est une sorte de réponse.
jean-paul gavard-perret
Silvaine Arabo, KOLIA, Hommage au peintre Nicolas de Staël, éditions Encres Vives, coll. Encres Blanches, Colomiers, 2016 — 6,10 €