Après Les Âges anciens et Du Moyen Âge aux temps modernes, ce troisième et dernier volet raconte l’histoire du monde de 1750 à nos jours. La première constatation qui s’impose, dès 1750, est ce que les auteurs appellent “La Grande accélération” tant des événements, des mutations, des bouleversements, que des révolutions dans tous les sens du terme. Elle est impulsée par les pays de l’Europe du nord, surtout ceux de la façade atlantique. “La consolidation de l’hégémonie européenne à travers le globe est un éléments central de ces changements et un des principaux moteurs.” Les Européens dominent le monde. Ils peuplent de larges portions de la planète. La production qui bat son plein, la population qui s’accroît sont perçus comme des signes de prospérité. Les souverains soutiennent ce mouvement car cela fait plus de contribuables, de sujets à essaimer à travers les continents et de… soldats. C’est ainsi que l’Europe passe de 190 millions d’habitants en 1800 à environ 420 millions un siècle plus tard. Les expansions se font dans tous les secteurs de l’économie. Le chemin de fer et son développement exponentiel, la multiplication des “steamers” et autres bateaux à vapeur, en sont les principaux facteurs divisant le coût du transport par sept. La politique mondiale est forgée selon le modèle des pays de la façade atlantique.
Puis, les auteurs s’attachent à suivre les changements politiques dans une nouvelle Europe, dans le monde anglo-saxon avec la prédominance de l’Angleterre sur le “nouveau” monde quand la France perd le Canada. En 1914, un tiers de la surface du globe est détenu par deux puissances : la Grande-Bretagne et la Russie. La première préside à la destinée de 400 millions de sujets en dehors de ses frontières. Les historiens relatent les effets de l’impérialisme dont font preuve les Etats, puis, peu à peu, exposent les raisons et les causes du déclin de cette politique et la fin de l’âge européen. Ils détaillent les tensions qui se font jour dans ce système avec les progrès du libéralisme et de la démocratie, la libération des femmes, leur ouverture vers le monde du travail qui va bouleverser les structures familiales, les progrès des sciences et des technologies.
La Grande Guerre va entraîner un chambardement dans les mentalités. Outre les millions de morts, de blessés, d’infirmes, elle est le tremplin de mutations dans les rapports de forces entre les pays, dans la conception et l’engagement des conflits. À cela, il faut ajouter la naissance d’une nouvelle Asie qui préfigure celle qui s’impose aujourd’hui comme une force économique sans pareil. Le choc de la Deuxième Guerre mondiale suivi de la décolonisation et de la guerre froide amène à gommer presque totalement ce que fut une époque.
Le livre se clôt sur une ouverture vers le futur car l’Histoire ne s’arrête pas, n’est pas bornée par un événement ou une date quelconque. Les auteurs proposent une conclusion sur l’histoire globale car, actuellement, la quasi-totalité des habitants de la planète vivent de la même façon, utilisent les mêmes outils, moyens, supports. Quelle population n’est pas utilisatrice de téléphones portables ? C’est parfois le lien essentiel avec l’extérieur pour nombre d’individus. Si le communautarisme se met en avant, il est déjà dépassé dans la mesure où les moyens utilisés sont communs à l’ensemble de l’humanité.
Cette Histoire du monde, signée de J.M. Roberts et O.A. Westad, par sa hauteur de vue, par ses analyses pertinentes et pointues des situations, se situe parmi les meilleurs du genre.
serge perraud
J.M. Roberts & O.A. Westad, Histoire du monde (The Penguin History of the World), volume 3 : “L’Âge des Révolutions”, traduit de l’anglais par Antoine Bourguilleau, Perrin, mars 2016, 608 p. – 24,00 €.