Depuis quelques décennies (eh oui !, déjà !), Christophe Arleston démontre son talent pour la création d’univers bien particuliers, de mondes aux fonctionnements toujours étonnant, peuplés de héros, de personnages attachants. Dès le début cependant, comme a pu le faire Pierre Christin avec Laureline dans Valerian, le scénariste a fait des femmes les véritables porteuses de l’intrigue, les forces vives et positives des récits. Arleston a toujours donné à celles-ci le rôle moteur de ses histoires, les plaçant comme les véritables héroïnes de ses aventures, même si le titre de la série revenait à un mâle, authentique antihéros. Il ne fait pas exception avec cette série où Fourmille assure l’essentiel de l’action, laissant à ceux qui l’accompagnent des rôles de second couteau.
Ehkö est une copie de la Terre, mais sans l’électricité, peuplée de Preshauns, d’étranges créatures qui veillent au bon fonctionnement de ce monde. Fourmille Gratule était dans un avion pour New York avec, pour voisin de siège, Yuri Podrov un informaticien, lorsqu’ils basculent dans Ekhö. L’arrivée de la jeune femme perturbe l’équilibre d’autant que celle-ci se trouve régulièrement habitée par les fantômes de personnes décédées récemment dont elle doit résoudre les problèmes pour retrouver sa personnalité. Sigisbert de Motafiume est un jeune Preshaun, clerc de notaire, chargé de veiller à ce que la présence de Fourmille ne déséquilibre pas le monde miroir.
Ce cinquième volet des mésaventures de la belle héroïne s’ouvre alors qu’elle est en route pour le Vatishaun à Rome sur le Couine-Marée II. Elle a décidé ce voyage pour rencontrer Sa Sainteté Pontificale et tenter de comprendre ce qu’elle fait dans cet univers. Sur le bateau, le comte Francisco Castiglione-Borghese, un riche romain lui fait une cour assidue à laquelle elle répond, provoquant l’agacement de Yuri. Sigsibert, quant à lui, est inquiet. Quelqu’un les surveille de près, un Preshaun qui ne lui dit rien qui vaille. À Rome, Fourmille est confrontée au grand secret que cache les Prehauns et découvre qu’elle est une pièce dans un jeu politique dont elle ignore tout…
Avec le cinquième volet d’Ekhö, Christophe Arleston livre une impressionnante série de révélations quant à l’origine et à la conception de ce monde, des raisons et des causes qui en font un monde parallèle si proche de la Terre. Le scénariste n’a pas son pareil pour conjuguer une action soutenue et un humour facétieux, déclinant toute la gamme, de l’humour potache voire improbable à un humour qui se fait cinglant quand il touche à certaines dérives de nos sociétés. Il use de jeux de mots approximatifs, parfois « tirés par les cheveux » mais toujours chargés de sens malgré la forme qui semble exotique mais recèle des informations ou des situations bien réelles.
Le dessin d’Alessandro Barbucci fait merveille. Il offre un véritable plaisir pour les yeux avec la reconstitution, tant de l’univers marin, que des rues et monuments de Rome à la sauce fantasy. Les personnages sont une véritable réussite tant dans l’animation que dans l’expression des sentiments. La mise en couleurs signée par Nolwen Lebreton rehausse le tout et habille de belle manière l’atmosphère tendue qui se dégage du récit.
Le Secret des Preshauns clôt de belle façon cette série qui allie avec bonheur magie, enquête de type classique et fantastique.
serge perraud
Christophe Arleston (scénario), Alessandro Barbucci (dessin) & Nolwenn Lebreton (couleurs), Ekhö Monde miroir — t. 5 : “Le Secret des Preshauns”, Soleil, juin 2016, 64 p. – 14,50 €.